L'Inconnu du lac : Critique

Présenté au dernier festival de Cannes dans la sélection Un certain regard, L'inconnu du lac d'Alain Guiraudie suit les tribulations sexuelles et sentimentales de Franck, l'été au bord d'un lac. Sous le soleil aveuglant, les garçons s'exhibent intégralement, se matent et se draguent sans pudeur avant de s'isoler dans les sous-bois. Un lieu de rencontres, de coups d'un jour et d'amitiés platoniques, bientôt spectateur de l'attirance naissante de Franck pour un mystérieux adonis moustachu.

À l'ombre des platanes, les corps, petits, bedonnants ou jeunes, se prélassent et s'enlacent, le temps de quelques minutes, parfois de quelques heures. Dans les bras d'un inconnu, on parle du monde extérieur, des restaurants où l'on ira le soir, des amis que l'on retrouvera... Et puis, on repart seul à la tombée de la nuit. Désespérement ? Pas pour tout le monde. Si Don Draper se demande dans Mad Men : "Why is sex the definition of being close to someone?", Franck aimerait lui aussi que son Tom Selleck de Michel ne soit pas qu'un amant du lac, rêvant à l'avenir de repartir à bord de la même voiture. Mais c'est que Michel a plutôt, lui, tendance à noyer, littérallement, ses amoureux trop collants... Franck le sait, il en a même été le témoin privilégié.

Dans L'inconnu du lac, l'excitation se mêle ainsi au danger avec une binarité confondante. Entre le zénith et la tombée de la nuit, magnifiquement mis en lumière par la chef opératrice Claire Mathon, le plaisir cotoie les pulsions de mort et la pureté des sentiments, la trivialité du sexe. Rien n'est pourtant glauque chez Alain Guiraudie, lui qui filme l'acte sexuel avec réjouissance, dans toute sa crudité et sa banalité.

Grand film sur la passion et le désir, L'inconnu du lac est une oeuvre hédoniste étonnante, oscillant savamment entre le thriller et la comédie. Faut-il encore accepter de vous laisser entraîner dans ce monde sans femmes...

Mélissa Blanco