Critique : Henri

Sandy Gillet | 4 décembre 2013
Sandy Gillet | 4 décembre 2013

Yolande Moreau avait surpris son petit monde en 2004 avec le très réussi Quand la mer monte... auquel la patine du temps semble avoir donné une aura toute particulière, à rapprocher d'un Karnaval de Thomas Vincent par exemple. Un côté rugueux et doux à la fois qui lui donne aujourd'hui cette tessiture atypique à laquelle on aime se confronter à chaque nouvelle vision. Presque dix ans plus tard, Henri s'inscrit dans la même veine mais sans le côté onirique et immédiatement accessible de son premier long en tant que réalisateur. Henri comporte en effet moins d'aspérités où l'on peut se raccrocher et en devient pour le coup plus dur, plus minéral. Comme si Yolande Moreau avait entretemps gagné en lucidité ce qu'elle a perdu en empathie pour son histoire et ses personnages.

Un naturalisme ouvertement assumé dicté à l'évidence par son sujet et les thématiques abordées où il est question d'amour, de sexe et de normalité. Trois aspirations chevillées au corps et dans la tête de Rosette, un  « papillon blanc », résidente d'un foyer de personnes handicapées mentales, qui va bouleverser la vie d'Henri, la cinquantaine bedonnante et fraichement veuf. Les écueils d'un tel sujet étaient nombreux et Yolande Moreau de tous les éviter d'une manière quasi obsessionnelle avec pour fil rouge de ne jamais tomber dans le pathos. Mais c'est aussi paradoxalement la limite du film. À trop vouloir sonder, décortiquer, pratiquer sans vraiment s'approprier son récit, on reste bien souvent à la lisière du grand film et, nous, juste spectateurs.

On pense alors à Elle s'appelle Sabine, poignant documentaire signé Sandrine Bonnaire sur sa sœur autiste, qui avait su trouver une liberté de ton juste que l'on ne retrouve ici que lors de certaines scènes comme celle de la plage qui sert d'ailleurs d'illustration à l'affiche du film. Reste que ce raisonnement scénaristique adopté par la réalisatrice est très cohérent, surtout au regard de la mise en scène épurée et sans artefacts visibles. La rigueur est de mise mais n'annihile en effet jamais la démonstration qui nous renvoie sans cesse à nos propres angoisses. Jusqu'à cette fin « ouverte » où pointe enfin la petite musique d'une femme cinéaste au parlé visuel authentique et éminemment précieux.  

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