Shérif Jackson : critique flinguée

Simon Riaux | 22 septembre 2013 - MAJ : 31/03/2019 13:10
Simon Riaux | 22 septembre 2013 - MAJ : 31/03/2019 13:10

On ne l'aura pas vu venir ce Shérif Jackson, ni ses auteurs, les chevelus frères Miller, également réalisateurs de Touching Home, inconnu dans nos contrées et où officiait déjà Ed Harris. À l'heure où Tarantino, son compère Rodriguez et tous leurs thuriféraires esbaudis semblent avoir oublié qu'on peut aborder genres et sous genres autrement que par le biais du clin d'œil grossier ou du treizième degré, voilà que débarque une surprise de taille, avec nulle autre prétention que celle de nous offrir un western, un vrai.

Sweetwater est un petit bled paumé au milieu de terres arides comme en bourgeonnent des milliers alors que progressent les frontières américaines toutes fraîches. Mais le « prophète » Josiah, convaincu de régner sur une nouvelle terre sainte compte bien ne pas laisser son cheptel aux mains du premier intrus venu, ni permettre à ses ouailles de vaquer sans son consentement. À moins qu'un vieux shérif accompagné d'une ex-prostituée ne mette un terme sanglant à ses exactions d'un autre âge. Tel est le point de départ d'un récit qui empruntera autant au western classique qu'au péloches d'exploitation, telles La Femme Scorpion, ou encore le brutal Ange de la vengeance d'Abel Ferrara.

 

Enfin, la folie générale de l'ensemble évoquera nécessairement le récent Django Unchained, auquel auraient été adjoints de gros morceaux de Kill Bill. Fait notable, les réalisateurs ne tomberont jamais dans l'hommage appuyé, la référence galvaudée, trop heureux d'étreindre un sujet qui visiblement les excite au plus haut point.

 

 

 

Sentiment jouissif qu'ils transmettent à tous leurs comédiens, Ed Harris en tête, visiblement désireux de se faire pardonner le cabotinage d'Appaloosa. Il corrige ici paradoxalement le tir, et interprète une vieille gloire sur le retour, un improbable héraut de la justice porté sur les divagations solitaires, les dissections anales et les bastons chaloupées. Son charisme extra-terrestre contamine tout le métrage et le jeu de ses comparses, qui donnent le meilleur d'eux-mêmes, d'un Jason Isaacs en roue libre mais singulièrement magnétique, à une January Jones incandescente, qui a abandonné la froideur de Mad Men pour laisser place à un tempérament tout d'impétuosité contenue et de séduction sauvage. Et le spectateur de découvrir cet univers tour à tour simple et complexe à travers une œuvre anachronique et simultanément hors du temps.

 

 

 

Car si les frères Miller font mieux que leur modèles et ne se contentent pas d'accoucher d'un petit film d'exploitation fauché, ils parviennent à nous faire oublier des décennies de méta-western et de relectures conscientes des mythes. Reprenant une structure et des archétypes on ne peut plus usités, ils s'amusent à les parer de petites subtilités ou nuances, d'un léger décalage qui tend toujours un tragique absurde, ré-énergisant un pan entier du cinéma de genre. Ainsi débarquons-nous sur les terres déjà maintes fois conquises du colt glorieux et du massacre baptismal avec une innocence que nous ne pensions pas pouvoir retrouver.

 

 

Résumé

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