Critique : Lovelace

Perrine Quennesson | 18 février 2013
Perrine Quennesson | 18 février 2013

En 1980, le livre Ordeal arrive dans les rayons des librairies. C'est un livre choc dans lequel Linda Lovelace raconte le terrible sort que lui faisait subir son mari, Chuck Traynor, et comment ce dernier l'avait contraint, sous la menace et les coups, à se prostituer et à participer à des films pornographiques. Car Linda Lovelace n'est autre que la première porn star grâce à son rôle dans Gorge Profonde, un des premiers pornos dits chics avec scénario et développement de personnages intégrés.

C'est la vie de cette femme sacrifiée que Lovelace tente de retracer maladroitement. Et pourtant le film s'essaie à un procédé stylistique assez original pour un biopic. Dans une première partie, le long-métrage raconte, de façon quasi-idyllique, la vie de Linda. Jeune fille en fleur, elle découvre l'amour et le sexe auprès d'un propriétaire de bar pas très net mais très attirant, qui, au passage, la libère de sa famille catholique tendance puritaine. Puis, à mi-parcours, le film fait un bon de 6 ans pour nous parler de l'écriture d'Ordeal avant de revenir sur toutes les scènes vues auparavant afin de nous en montrer l'envers du décor, qui, lui, n'avait rien d'idyllique. Procédé de narration original donc mais finalement assez gênant tant il fait ressembler le film à une présentation Powerpoint avec arguments et contre-arguments bien rangés dans des séquences qui s'enchainent sans grande fluidité, ni subtilité, ni véracité. Les réalisateurs Rob Epstein et Jeffrey Friedman, mettent ainsi en scène une opposition manichéenne artificielle entre la douce colombe Linda et l'affreux crapaud vicelard Chuck, sans aucune nuance. Ni réalité parfois puisque, par exemple, les premiers loops (films porno en Super 8) auxquels Linda a participé sont quasiment passés sous silence ainsi que ses problèmes avec la drogue. Enfin, pour un film qui parle de Gorge Profonde, donc de pornographie, le sulfureux, la chair, la sensualité voire, tout simplement, le sexe, manquent sérieusement à l'appel.

Reste la (généreuse) poitrine d'Amanda Seyfried, régulièrement exposée ici, mais qui n'est pas le seul atout de la jeune femme. Car, si Lovelace souffre d'un vrai laxisme scénaristique et d'une réalisation sans grande singularité, il bénéficie d'un casting talentueux. Seyfried sort un peu de sa zone de confort cinématographique et incarne ici une Linda touchante et « bambiesque » (tragique et avec de grands yeux naïfs) tandis que Peter Sarsgaard, en roue libre mais juste, rejoue, en plus pervers, son personnage d'Une éducation. Certains acteurs ne font qu'une apparition comme Chloë Sevigny (une journaliste dans un plan furtif) ou James Franco (en Hugh Hefner libidineux). Sharon Stone, quant à elle, se fond tellement dans le rôle de la mère de Linda qu'on ne parviendrait presque pas à la reconnaître. Elle est véritablement l'une des surprises du long-métrage. 

Et de prouver que Lovelace est, malgré tout, ponctué de moments gracieux. Comme ce générique de début qui rejoue la scène d'ouverture de Gorge Profonde. Amanda Seyfried au volant d'une voiture, lunettes de soleil sur le nez et cheveux au vent, comme un instant de liberté dans cette vie accidentée qui s'achèvera par un crash. Dommage que tout le film n'ait pas cette poésie.

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