Conjuring : Les Dossiers Warren - critique du meilleur film de James Wan

Simon Riaux | 13 juin 2021 - MAJ : 13/06/2021 12:38
Simon Riaux | 13 juin 2021 - MAJ : 13/06/2021 12:38

Pour fêter la sortie de Conjuring : Sous l'emprise du Diable, nous revenons sur le film qui a tout déclenché : le flippant Conjuring : Les Dossiers Warren, première aventure des époux Warren à l'écran. Un tour de force qui permit à Warner d'être un des seuls studios hors Disney à bâtir un univers étendu plébiscité par le public jusqu'à aujourd'hui.

THE WAN

Quand James Wan s’empare en 2013 du scénario écrit par Chad Hayes et Carey Hayes, il est déjà un metteur en scène très identifié de la scène horrifique américaine. Avec Saw, lui et son complice Leigh Whannell se sont fait remarquer autant qu’ils ont donné naissance à la mouvance du torture porn. Après quoi, Insidious le consacrera comme un des artisans de l’horreur les plus prometteurs. Mais c’est véritablement grâce à Conjuring et son succès international que l’artiste est devenu un pilier du cinéma de genre américain, ainsi qu’un des atouts maîtres du studio Warner. 

Cinéphile boulimique qui a depuis ses débuts mis ses pas dans ceux des géants, relisant et recyclant les effets de style qui ont marqué les productions des années 70/80, il est aussi efficace pour adopter les oripeaux d’un genre qu’incapable de se trouver un style en propre. Du moins, jusqu’à la naissance de ce qui allait devenir le Conjuring-verse. Bien sûr, on retrouve d’innombrables citations dans la première mésaventure filmique des époux Warren, mais c’est précisément la distance que le cinéaste instaure avec la grammaire qu’il convoque qui frappe. 

 

photo, Lili TaylorVite, un doliprane !

 

Tout d’abord, on a beau identifier ici un traveling, là un effet de sursaut classique, ou anticiper le grincement d’une porte, on est constamment frappé par la malice avec laquelle il retravaille ces motifs.

Devenue emblématique de sa créativité et de la maîtrise qui l’accompagne, la séquence des allumettes est une leçon de découpage. Que le spectateur croit avoir affaire à un plan-séquence un peu tapageur, Wan l’interrompt sans crier gare. Que le spectateur s'attende à voir surgir une forme de derrière un drap et la lumière s’éteint. Conjuring est un film d’horreur du dévissage continu, de la sortie de rail perpétuelle. 

 

photo"Au moins, on n'est pas dans le noir"

 

LA SOMME DE TOUTES LES PEURS

Tout comme on aura trop souvent caricaturé le réalisateur en obsédé du jumpscare, on oublie souvent de souligner avec quelle ludique générosité il joue également sur la confirmation de l’angoisse. Quand Lorraine voit pour la première fois le corps pendu de l’entité qui menace la famille Perron, ce n’est pas la surprise qui nous étreint, mais bien l’inéluctabilité de l’horreur. Une spatialisation des regards empruntée à Spielberg et un bruitage lugubre nous l’annoncent : nous sommes sur le point de découvrir une abomination. 

Et si cette dernière surgit bien au centre du cadre, le découpage se refuse néanmoins à nous en dévoiler le visage, comme pour nous contraindre de nouveau à un hors-champ suffocant. Dans cet équilibre inversé, ce contre-pied qu’il répète à l’envi, James Wan montre brillamment combien il a trouvé l’exacte bonne distance entre ses influences, son sujet et le langage qui est désormais le sien.

De même, il parvient ici, sans verser le maniérisme qui présidait à son Dead Silence ni le fétichisme épais qui structurera les spin-offs de son film, à orchestrer une direction artistique terriblement évocatrice. Les textures du moindre accessoire frappent, les couleurs se répondent et composent un tout organique, qui nous interdit, le temps du visionnage, de douter du poids du réel. 

 

photo, Vera Farmiga"C'est les Avengers, ils veulent qu'on les rejoigne !"

 

TWO LOVERS

Mais la plus grosse réussite de Conjuring ne tient peut-être pas à l’impeccable agencement de ses ingrédients frissonnants. L’air de rien, Wan est parvenu à profondément renouveler une des figures les plus essorées du cinéma fantastique : l’exorciste. Inamovible depuis L'Exorciste de William Friedkin, ce personnage, presque systématiquement masculin, curé de son état, avait pour fonction d’assurer au spectateur sa dose de mysticisme en carton. 

Mysticisme dont le réalisateur se moque, auquel il n’entend rien, et dont il use à la manière d’un accessoire stylisé, jamais comme le récipiendaire de code, ou un système de valeurs porteuses de sens. Non, il préfère en revenir au sel de tout récit qui se respecte : les personnages. Pas tant les victimes que les exorcistes, puisqu’il s’agit désormais d’un couple. Et c’est bien la dynamique d’union entre Ed et Lorraine Warren qui fonde notre empathie, nos rapports d’identification. 

 

photo, Vera Farmiga"Bienvenue dans votre premier cours d'éducation sexuelle à l'exorcisme !"

 

Deux protagonistes aux forces et failles différentes, et dont le désir d’éprouver leur foi, leur amour, tout en sauvant leurs prochains modifie en profondeur la dynamique du récit d’exorcisme classique. Incarnés à la perfection par Vera Farmiga et le comédien fétiche de Wan, Patrick Wilson.

Les deux héros demeurent, sur le papier, des portraits de béni-oui-oui, mais leur interprétation prend à revers une partie de ce programme. Qu'il s'agisse de la souffrance intense que greffe Farmiga à cette figure médiumnique, ou de l'insécurité pataude qui exsude du personnage de Wilson, leur alliance est le centre névralgique du métrage.

Par conséquent, on regrettera amèrement que le scénario, puisqu'il consacre la famille de victimes comme autant de figures sacrificielles, n'ose jamais franchir la ligne rouge et mettre en danger ces agneaux, dont le sort demeure toujours trop positif pour que Conjuring parvienne à passer de l'angoisse à la terreur.

 

Affiche officielle

Résumé

Formidable générateur de peur, le meilleur film de James Wan est une leçon de maîtrise et de cinéphilie horrifique.

Autre avis Geoffrey Crété
Conjuring tient uniquement grâce à la mise en scène de James Wan, qui amuse pendant la première heure grâce à quelques scènes très réussies. Mais la suite, avec les Warren, ne peut plus masquer l'évidence d'un film à formule profondément simplet sous forme de gigantesque recyclage de clichés.
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Lecteurs

(3.6)

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commentaires
sylvinception
14/06/2021 à 13:07

Les premiers Insidious et Conjuring, les meilleurs et de loin.

spoiler son meilleur est Insidious
14/06/2021 à 08:09

Ah Insidious cette claque au ciné, ce générique grinçant au violon, ces personnages de cire figés et souriant dans l'au delà !

Ce Conjuring est une très bonne surprise aussi, quoiqu'un peu en deçà.

Lolipop
14/06/2021 à 04:46

À mon d'être un croyant convaincu je ne vois pas comment on peut avoir peur devant cet étalage de bondieuseries ridicules.

Sascha
13/06/2021 à 18:10

@Drexl : sauf que Conjuring est un film d'épouvante là où Saw est un torture porn. Perso, je trouve le premier Conjuring au dessus du 2 et du 3. Il contient certaines des scènes d'épouvantes les plus efficaces des 20 dernières années (rien que le cache-clap est magistral).

Le 2 reproduit bien la formule mais s'achève trop vite et retombe comme un soufflet (mais reste très bien pour une suite).

Le 3 loupe le coche malheureusement : il devient un thriller qui ne fait ni peur ni frissonner (et qui ne parvient pas à rendre crédible sa sataniste lambda qui semble être une version adulte de Mercredi dans la famille Adams).

De même, la qualité du film est en baisse dans le 3. Wan avait un sens de la mise en scène et de la caméra qui donnait au film un caractère bien à part et à lui. Les scènes en plans séquences, les hors champs, les travellings recherchés. Dans le 3, hélas, je trouve quasi qu'aucune scène ne retient l'attention. Même la scène du waterbed est loupé alors qu'elle aurait pu engendrer un vrai suspens et une vraie horreur (et quel dommage de la spoiler dans la BA)

J'espère que la Warner saura nous faire un 4ème épisode plus solide et surtout qui renoue avec les 2 premiers épisodes

Kyle Reese
13/06/2021 à 17:53

Arf, mais pourquoi avoir refilé le bébé à un réalisateur sans talent pour le 3.

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