Critique : Zulu

Guillaume Meral | 29 novembre 2013
Guillaume Meral | 29 novembre 2013

Mine de rien, Jérôme Salle est en passe de devenir le M. loyal des paris difficiles : après avoir réhabilité une certaine idée du blockbuster à la française, avec le dyptique Largo Winch, le voilà qui s'attaque, aujourd'hui, à un autre genre tombé en désuétude : le polar grand-public ET rentre-dans le lard, qui n'a pas peur de concilier sa vocation populaire avec une représentation frontale de la violence et un esprit transgressif assumé. Un paradoxe par les temps qui courent mais à l'écran un vrai désir de cinéma qui respire la nostalgie (mais pas la complaisance) pour une époque révolue.

C'est sans doute là que réside la proposition la plus stimulante de Zulu, adaptation du roman éponyme de Caryl Férey, à savoir investir le genre moribond du buddy-movie hardboiled sans oublier d'en subvertir ses archétypes les plus populaires à l'aune du climat dans lequel ils évoluent. En l'occurrence, une trame finalement pas très éloignée de celle de L'arme fatale (un duo de flics aux caractères opposés découvre la conspiration se dissimulant derrière le meurtre d'une jeune fille de bonne famille), mais dont l'intégrité mythologique va sans cesse se heurter à la réalité délétère d'un pays qui n'en finit pas de se confronter aux relents contradictoires de son passé. Une dimension qui prend corps dans la dynamique feuilletonesque que Salle parvient à insuffler instantanément aux relations entre ses personnages, qui partagent à l'écran un vécu commun qui n'a guère besoin d'être explicité pour prendre vie .

C'est à travers cette caractérisation très forte que s'exprime le mieux le frottement opéré entre un univers de genre et le contexte spécifique dans lequel il s'ancre, plus que dans le traitement d'une intrigue qui éprouve quelques difficultés à entrelacer organiquement le parcours de ses personnages avec la narration. D'où un récit qui ne laisse pas le temps à la conspiration de s'installer, d'autant que sa résolution en deux coups de téléphone tend à annihiler sa portée narrative, de même que l'absence d'une figure antagoniste clairement définie l'empêche d'acquérir une épaisseur dans un film par ailleurs très (trop ?) dense. Dans Zulu, les mythes brisés prennent du temps avant d'épouser leur catharsis narrative, et il faut attendre sa superbe conclusion, sorte de requiem funambule sur le fil du fantastique, pour les voir convoler ensemble. Un écueil qui empêche le film d'atteindre le statut de grand polar crépusculaire auquel son écrin visuel, âpre sans oublier d'être esthétique, semblait pourtant le destiner.

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