Rush : critique à toute allure

Perrine Quennesson | 28 mars 2016
Perrine Quennesson | 28 mars 2016

Réduire Ron Howardà ses derniers films serait un peu aisé. Ce serait omettre qu'il est l'auteur du (formidable, ça n'engage que celle qui écrit ces lignes) Willow ou du sympathique Apollo 13. Le résumer au rythme grabataire des adaptations de Dan Brown serait oublier que la vitesse, ça le connaît. N'a-t-il pas d'ailleurs commencer sa carrière sur un film intitulé Lâchez les bolides ?

Ainsi Ron Howard revient-il à sa passion des grosses cylindrées avec Rush où il fait le portrait croisé de deux figures importantes de la F1 : James Hunt et Niki Lauda. Portrait croisé ? Oui, car comme le prouve le film, il est impossible de séparer ces deux personnages tant la performance de l'un dépend de l'autre. Un relation qui n'est pas sans rappeler celle de Mozart et Salieri (dans l'Histoire et non dans la version de Milos Forman) : chacun est pour l'autre un mal nécessaire. Mais un mal que l'on respecte et, mieux, qui nous fait progresser.

 

 

Ainsi Hunt et Lauda se détestent autant qu'ils s'admirent. L'un est un cérébral, l'autre un instinctif, l'un apprend par la technique, l'autre par empirisme. Et l'intelligence du film ? Ne jamais prendre de partie. Notre cœur bat autant pour le playboy Hunt, qu'il s'épanche pour le sérieux Lauda. Cet attachement partagé n'est pas seulement dû à la façon dont le cinéaste traite ses protagonistes mais aussi il vient également du talent de leurs interprètes: Chris Hemsworth et Daniel Brülh sont comme habités par Hunt et Lauda et la ressemblance, même physique, en est troublante. 

 

 

L'autre point fort de ce biopic hors-norme : sa mise en scène. Le film le dit dès le début, pour la plupart des gens (peu intéressés par la F1 et dont celle qui écrit ces lignes fait partie), les grands prix consistent à regarder des types tourner en rond en attendant éventuellement l'accident. En clair, c'est à la fois inutile et morbide. En partant de ce constat, Rush s'emploie à nous faire ressentir l'adrénaline, à nous ouvrir sur monde sous tension, à nous faire découvrir les enjeux de la F1 (et même la F2 et la F3, ça y est, je suis une experte). Au plus près du sol, on perçoit la vitesse, les poils s'hérissent et la respiration se coupe. A travers les yeux des pilotes, on ressent le sentiment de puissance d'avoir outrepasser la mort mais aussi la solitude que cela entraine. Au-delà des sensations, on ne peut qu'admirer la façon dont le réalisateur a su reconstituer les événements clé du film, comme les différentes courses, l'époque (Ah, l'impunité et la légèreté des 70's !) et l'intimité (imaginaire et documentée) des deux héros.

 

 

 

Résumé

Epidermique, Rush, à des années-lumière de ce que propose aujourd'hui le storytelling des grosses productions hollywoodiennes, est une oeuvre saisissante sur deux personnages presque bigger than life. Ron Howard devrait lâcher les bolides plus souvent.   

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commentaires
Dirty Harry
28/03/2018 à 20:38

Superbe article, je plussoie trois fois, bravo et belle plume : le meilleur de ce film est très bien retranscrit. Autant j'aime les voitures, autant la F1 m'a aussi toujours ennuyé, mais ce film est aussi dû au talent de plume de Peter Morgan, aussi à l'aise dans le romanesque (l'allusion de Hunt aux chevaliers est très juste et la rivalité de "profils" ira jusqu'à Prost/Senna - Prost qu'on appelera "le professeur" au même titre que Lauda était "l'ordinateur") que dans l'adrénaline (ce championnat aux multiples rebondissements du Nürburgring au circuit du Fuji est complètement dingue). A noter aussi l'excellente partition très Krautrock de Hans Zimmer (le premier test chez Ferrari) et la photo sublime d'Anthony Dod Mantle qui nous fait sentir l'asphalte de prés (surtout en pneu-pluie).
Qu'ils nous fassent un biopic sur Enzo Ferrari de cette qualité par pitié...

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