Critique : Ce que le jour doit à la nuit
En venant présenté son film au festival Cinemania de Montréal, Alexandre Arcady a raconté l'anecdote suivante : sa famille a du fuir l'Algérie dans la précipitation. Ils se sont retrouvés, ses frères, ses parents et lui sur un bateau direction la France. Sa mère regardait les côtes algériennes s'éloigner quand tout à coup, elle se retourne vers ses enfants, affolée : « J'ai oublié les photos de famille dans l'armoire de la maison ». Après un silence, Alexandre aurait dit à sa mère : « un jour, je te les ramènerai ».
Cette anecdote est intéressante car elle met en lumière les raisons, les motivations profondes qui l'ont poussé à réaliser ce film. Une envie de recréer un univers quitter trop brutalement, de capturer en images ses souvenirs et ceux de sa famille. On comprend davantage le soin apporté à la reconstitution de l'Algérie d'avant-guerre avec notamment le travail incroyable sur les décors et les costumes.
À travers l'adaptation du roman de Yasmina Khadra, Alexandre Arcady a pu décrire la vie quotidienne sur plusieurs époques et aborder de façon non manichéenne des thèmes comme les inégalités (la pauvreté qui côtoie les richesses), l'injustice, la violence, le racisme. Mais aussi la joie, l'insouciance, le mélange des cultures. C'est aussi un moyen de mêler le film sentimental et le film d'aventure, de faire une parabole entre l'histoire d'amour impossible et le conflit qui se prépare dans le pays. Et malgré quelques défauts dont l'omniprésence de la musique et certaines lourdeurs scénaristiques (notamment sur l'histoire d'amour trop tire-larmes entre Jonas et Emilie), il serait dommage de bouder cette fresque historique aux élans romanesques, racontée avec passion et sincérité.
Philippe Boissier
Lecteurs
(4.3)