Critique : Paradis : amour

Simon Riaux | 17 mai 2012
Simon Riaux | 17 mai 2012
Ulrich Seidl ne porte pas ses contemporains dans son cœur, c'est même le moins que l'on puisse dire. Aussi ne faudra-t-il pas voir dans le titre de Paradis : Amour autre chose qu'une saillie fielleuse, adressée aux spectateurs assez aventureux pour s'enquérir du regard du cinéaste sur le tourisme sexuel. Guère plus optimiste qu'un Houellebecq (mais bien plus cruel et vachard) Seidl décortique le quotidien glauquissime d'une autrichienne convaincue de trouver l'amour sur les plages du Kenya, cette approche misanthrope, typique de l'auteur, avait tout pour nous agacer, mais se révèle servir plutôt habilement le sujet.

De ce thème connu, pour ne pas dire rebattu (on pense par exemple au Vers le sud de Cantet), Seidl ne fait pas l'habituel réquisitoire du Nord contre le Sud, de la marchandisation des hommes, ou l'incarnation d'un néo-libéralisme galopant. Tout occupé à animer son petit théâtre de la cruauté, le metteur en scène se focalise sur l'importance des apparences, le rôle des masques et des faux semblants, dans une organisation du travail sexuel qui ne doit jamais dire son nom. Car ici on ne se prostitue pas, la chair semble ne jamais devoir s'étaler (quoiqu'elle finisse par déborder), et tout le monde feint le jeu de l'amour et du hasard. Une hypocrisie odieusement partagée entre clientes et mignons, que la mise en image de Seidl parvient régulièrement à sublimer. Ses longs plans fixes usent de la géométrie et de la symétrie pour subvertir chaque situation, en souligner les rouages absurdes, parvenant à nous faire rires des actes les plus répugnants, des intentions les moins nobles.

Toutefois, cette réussite s'effiloche rapidement passées les 90 premières minutes du métrage, alors que le scénario et la mise en scène laissent place à une demie heure de redite dispensable, voire franchement racoleuse. Dès lors qu'il est établit que jamais notre sémillante autrichienne ne prendra conscience de sa bêtise, et que ses amants ne la considéreront que comme une encombrante vache à euros, le film enfile les scènes malaisantes cédant frontalement à la logique de la surenchère. Un traitement qui culminera lors d'une ahurissante séquence d'anniversaire, où tout sera fait pour laisser le spectateur terrassé, le cœur au bord des lèvres.

Si pour une fois la misanthropie de son auteur paraît faire sens, Paradis : Amour est bien trop répétitif et porté sur la démonstration de force artificielle pour réellement convaincre. Bien sûr, ces femmes à l'esprit aussi gras que leur postérieur sont tout sauf aimables, ainsi que leurs cupides phallus sur pattes, et s'il eut été déplacé de nous forcer à les aimer, il est plutôt mesquin de pousser le public à les haïr coûte que coûte.

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