Frankenweenie Critique : Frankenweenie

Cédric Le Penru | 28 octobre 2012
Cédric Le Penru | 28 octobre 2012

Les grands créateurs tel Tim Burton sont toujours soumis à une attente spécifique du public qui tolère mal les demi succès, les films à moitié réussis. Frankenweenie ne devrait pas en faire partie puisqu'il signe une véritable renaissance du cinéaste grâce à un véritable retour aux  sources et aux origines, dans tous les sens du terme. Dès le premier plan, voici qu'il affiche le programme et ses ambitions : un noir et blanc inquiétant consume les couleurs du château de la Belle au bois dormant, le célèbre logo des studios de Mister Walt. Comme un clin d'oeil appuyé, Frankenweenie est en effet la version longue du court-métrage éponyme de 1984 qui avait conduit, à l'époque, la grande maison Disney à se débarrasser de ce créateur à l'univers trop étrange pour être toléré dans les studios de Cendrillon.

Conte féerique sur le destin d'un chien (Sparky) ressuscité par son jeune maître (Victor), ce long-métrage démontre que Burton est toujours et encore un génie dans son domaine, le prince de l'animation. De surcroît, il est un extraordinaire artiste suffisamment fin et subtil pour ne pas oublier l'Histoire de son Art et ainsi s'incliner devant ses illustres prédécesseurs. La technique employée ici est pourtant toute simple et aussi vieille que le cinéma et les blocs de papiers rapidement griffonnés que nous feuilletions du bout des doigts à l'école pour donner l'illusion du mouvement : l'image par image (le « stop motion » pour les amoureux, légèrement snobs, et inconditionnels des anglicismes). Pas de prise de vue réelle ici donc, mais des marionnettes savamment actionnées et animées. Un véritable travail d'orfèvrerie.

 

 

En ce qui concerne les couleurs : aussi évident à première vue qu'un très beau N&B, mais le réalisateur ne va pas aussi loin qu'Hazanavicius jusqu'au ratio 4/3, et au muet. Sinon il ne serait pas possible d'entendre la délicieuse voix que Winona Rider, une des principales égérie du réalisateur, prête en VO à Elsa van Helsing, la petite voisine du héros. Enfin, concession colossale à la modernité : le film est en relief. Que c'est beau et réussi. Le N&B s'y marie merveilleusement. Les effets de profondeur de champ et les changements de mise au point épousent parfaitement la 3D. C'est vraiment très agréable à la vue, comme si la « dimension » de la couleur retirée laissait le champ libre à l'oeil pour s'acclimater au effets du relief. A méditer pour d'autres productions; vintage et moderne à la fois.

 

 

Concernant l'histoire, le retour du scénariste John August, acolyte de Burton sur Les noces funèbres ou Big Fish, fait du bien. Le cinéaste est définitivement resté le même, habité d'une semblable idolâtrie pour la série B d'horreur, rempli d'une même passion fétichiste pour les figures venues d'ailleurs, aliénantes et aliénées, attiré vers un identique jeu à l'encontre des us et coutumes du cinéma US. Les enfants ne sont pas adorables (comme chez Amblin) ici, bien que vivants dans de mignons pavillons de banlieue. Ils sont sans sommeil et pâles comme des cadavres. Pour obtenir de son père le droit de participer au concours de science de son école - Victor Frankenstein (!) rejoint l’équipe de base-ball de New Holland, sa petite ville. Pendant son premier match, Victor réussit un coup de circuit (« home run »). Sparky le chien, croyant que son maître lui a lancé la balle, court à sa poursuite, et se fait écraser par une voiture. Victor est effondré, mais déterre (par une nuit à la Thriller) le corps de son animal de compagnie et grâce à l'énergie de la foudre, lui rend la vie. Mais Sparky, revenu d'outre tombe, aux coutures apparentes et divers boulons réparateurs, aura tendance à se désagréger quand il rentrera en relation avec les vivants (un peu comme Edward aux mains d'argent blessait tous ceux avec lesquels il interagissait).

 

 

Victor est aussi un enfant qui adore réaliser des courts-métrages à créatures monstrueuses (certainement l'incarnation, le double de Tim Burton jeune) avec une petite caméra super 8 ; mise en abîme charmante de la technique du film et des propres clins d'oeil qu'il va opérer pendant toute sa durée. Sous cet angle, celui des citations, Frankenweenie est un des opus les plus achevés de son auteur, chaque plan fourmillant de références explicites et/ou décalés. Le tout est emprunt d'humour et d'une grande sensibilité, allié à une technique visuelle irréprochable. Quasi Mashup du cinéma fantastique et de la littérature du même nom (de Mary Shelley jusqu'aux monstres du septième art nippon en passant par les productions de la Hammer avec Christopher Lee), ce métrage réjouit l'oeil de l'amateur de gentils (ou méchants ?) Freaks. L'illustration la plus parfaite vient quand les enfants, concurrents de Victor au concours de sciences, finissent par apprendre que le chien Sparky a été ramené à la vie. Ils décident alors de faire de même avec toutes sortes d'animaux issus du bestiaire des enterrés du cimetière. Cela donne une des séquences prométhéennes et destructrices (faisant immanquablement penser à Mars Attack)  les plus jouissives jamais faite par Burton. Toutes sortes de monstres, inspirés entre autres des Gremlins ou de Godzilla se mettent à déferler sur New Holland, détruisant tout sur leur passage. Cinéma de genre (le bon) quand tu nous tiens !

Mais le metteur en scène n'oublie pas non plus les grands studios avec lesquels il scelle là sa réconciliation définitive. La seule romance du film, entre Sparky et la chienne (Caniche et chic) des voisins sera l'occasion d'une belle allusion aux différentes amours canines qui émaillent la filmographie de Disney. Le cinéma du village joue quant à lui, pendant la fête, Bambi.

Est-ce à dire in fine que Frankenwinnie ne serait pas à proprement parler un film pour enfant : oui et non. Oui certaines séquences un peu monstrueuses et cruelles pourraient impressionner les tous petits mais globalement on reste largement dans les limites des gentils freaks et animaux facilement maîtrisables, la dimension adulte se trouvant elle clairement du côté des cinéphiles qui trouveront un malin plaisir à attraper (saisir) toutes les allusions cinéphiles visuelles et sonores ou en relation avec les noms des différents protagonistes de l'histoire.

 

 

 

Résumé

Cette année, et à l'approche d'Halloween, c'est donc à Tim Burton de (s'auto) ressusciter. Puisse-t-il venir hanter de la sorte pour de longues années à venir les écrans noirs de nos nuits blanches, et horrifiques !

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