La Couleur des sentiments : Critique qui lave plus blanc que blanc

Simon Riaux | 24 octobre 2011 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 24 octobre 2011 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Emancipation et sud des Etats-Unis sont autant de thèmes et de décors riches... à condition de ne pas verser ni dans la caricature, ni dans le contresens.

Précédé par un solide succès en librairie, puis sa réussite au box office américain, La Couleur des sentiments arrive chez nous nanti d'une prestigieuse aura d'hymne à l'égalité et à la tolérance, tendance mélo féministe. La recette idéale pour émouvoir dans les chaumières, et rencontrer un enthousiasme fervent, à condition toutefois que le gâteau n'étouffe pas le gourmet à force de charger sur les ingrédients.

Eugenia, surnommée Skeeter, rêve de journalisme et de littérature, et son projet de recueillir les témoignages des bonnes au service de la bourgeoisie bon teint de Jackson, Mississippi, lui permettra de s'accomplir, alors que la bataille pour les droits civiques se fait plus criante chaque jour. Un tel point de départ exigeait une reconstitution crédible, et de ce côté là, le spectateur servi à satiété. Les amateurs de v.o. retrouveront les accents du sud ds États-Unis, ses couleurs, sa lumière, son style, le tout dans des décors le plus souvent très réussis, baignés par la photographie tour à tour lumineuse ou étouffante de Stephen Goldblatt. Les comédiennes profitent de ce bel écrin pour donner le meilleur d'elles-mêmes, Emma Stone, Bryce Dallas Howard ou Jessica Chastain nous transportent sans mal dans les années soixante, et épousent de leur talent les hésitations, doutes ou défauts des personnages.

 

 

photo, Octavia Spencer, Viola Davis, Emma Stone

 

Au vu de la qualité de son exécution, on regrette que le film veuille trop en faire. En effet le scénario multiplie les arcs narratifs et les thèmes, sans en exploiter aucun à fond. C'est qu'entre l'émancipation des travailleuses afro-américaines, la prise de conscience de leurs employeurs, la dénonciation de la ségrégation et de l'hypocrisie sociale, en passant par la réhabilitation d'une middle class méprisée, la réalisatrice Tate Taylor avait de quoi faire. Voilà qui explique sans doute la trop longue durée du film (quasiment deux heures vingt), qui s'accommode mal avec le ton larmoyant et répétitif de l'ensemble.

 

 

photo, Octavia Spencer

 

 

Le plus problématique demeure sans doute la focale effectuée par le film, qui trouve manifestement beaucoup plus pertinent de s'attarder sur les tracas moraux de grandes bourgeoises réalisant brusquement que nettoyer leurs culottes en étant sous-payées n'est pas une situation spécialement enviable, plutôt que de traiter frontalement ses véritables héroïnes. Les gouvernantes et autres domestiques afro-américaines sont ainsi réduites à un contingent de ressorts scénaristiques édifiants. Une orientation qui vient méchamment contredire les intentions affichées par La Couleur des sentiments. Tout cela est d'autant plus regrettable que la qualité de l'interprétation, le choix des comédiennes, et la facture technique de l'ensemble pouvait lui assurer de constituer un joli drame sur l'émancipation.

 

 

Affiche française

Résumé

Bien raconté et interprété, mais souffrant d'un désiquilibre dans sa narration qui vient totalement contredire ses intentions, La COuleur des Sentiments fait pâle figure.

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