Critique : Miss Bala

Simon Riaux | 30 avril 2012
Simon Riaux | 30 avril 2012
Pas de doute, Gerardo Naranjo sait piquer notre curiosité. En effet, comment mieux nous parler du Mexique, de sa corruption endémique et du règne des narco-trafiquants qu'en adoptant le point de vue d'une jeune Reine de beauté, indolente et solaire, embarquée dans une spirale de violence et de manipulations ? Voilà pour le pitch alléchant de cette œuvre radicale, qui fit les beaux jours du Certain Regard de Cannes 2011, sans doute plus pour sa maîtrise formelle et thématique qu'une humanité qu'il ne fait qu'effleurer.

Dès les premiers plans de Miss Bala, Naranjo capte notre attention via une mise en scène faussement dépouillée, organisée autour de longs plans scrutateurs, dont les cadrages et la patine cireuse imposent un sentiment de malaise et de désenchantement palpable. Alors que le mince vernis qui protégeait l'existence de Laura se craquèle et lui révèle un mille-feuilles de corruption et de violence, le spectateur est petit à petit happé par le spectacle fascinant et funeste qui se joue sous ses yeux. L'apprentie miss deviendra le jouet de tous les acteurs (trafiquants, policiers, politiques et militaires) d'un conflit sur le point de basculer en guerre civile, et dépeint sous nos yeux un portrait implacable et révoltant du Mexique, devenu le cheval de Troie d'intérêts divergents et mortifères.

La métaphore a beau être intelligemment filée, elle finit hélas par privilégier la technique aux ressorts humains sur lequel le récit devrait logiquement s'appuyer. Si l'on comprend que le réalisateur entend établir une chronique de la déshumanisation, le procédé finit par ne plus reposer que sur son indiscutable maîtrise technique, au risque de la redite, voir de l'esbroufe. Ainsi, le plan séquence central du film, qui fait figure de tour de force, se retrouve quasi dénué d'impact émotionnel, la performance n'apportant en tant que tel rien au récit. Le refus de caractériser plus avant les personnages nous glace dans un premier temps, puis nous indiffère, avant de rendre les ficelles de mise en scène trop visibles, presque exsangues.

Miss Bala fait froid dans le dos, autant qu'il marque durablement la rétine. Pour autant, son extrême minutie, sa (trop) grande intelligence font qu'il parle plus à notre cerveau qu'à notre cœur, et donne presque le sentiment d'avoir été réalisé par un étranger, et nous contraint à rester derrière l'héroïne plus qu'à ses côtés, à l'image des nombreux plans où elle apparaît de dos, nous obligeant à la suivre, sans pouvoir faire corps avec elle. Reste cet enseignement essentiel : mieux vaut faire la cruche pour Madame De Fontenay, que la mule pour un trafiquant mexicain.

Résumé

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