Critique : Moi, Michel G, milliardaire, maître du monde

Simon Riaux | 27 avril 2011
Simon Riaux | 27 avril 2011
La dictature de la comédie calibrée pour s'avachir à 20h30 sur le réseau hertzien se poursuit sans l'espoir qu'une révolution la renverse. À tel point que la seule perspective de voir sortir un film francophone à velléité humoristique peut raisonnablement ficher les jetons. Moi, Michel G, milliardaire, maître du monde, entend clairement échapper à cet encombrant héritage, et y parvient assez honorablement.

Les premières minutes du film confirment que Stéphane Kazandjian est à l'aise avec les codes du faux documentaire, et suffisamment habile pour faire exister à l'écran le personnage de Laurent Laffite, un journaliste supposément hors-champ. Toutefois, c'est lors de l'arrivée de ce dernier dans le domaine d'un surréaliste homme d'affaires, interprété par François-Xavier Demaison, que le long-métrage commence véritablement, et nous surprend. On pouvait raisonnablement craindre une attaque frontale et totalement dénuée de recul sur cet hybride de Tapie et de Jean-Marie Messier, et heureusement elle n'aura pas tout à fait lieu. Le film est assez intelligent pour ne pas se croire investi d'une mission militante, dès lors le pur comique de situation prend le pas sur la satire de classe, et c'est pour le mieux.

La confrontation entre Laffite et Demaison est d'autant plus délectable qu'elle se fera quasiment à armes égales, en cela que le journaliste engagé paraît rapidement aussi infâme et manipulateur que sa cible, deuxième facette d'un même dollar. Ils se transforment petit à petit en idiots utiles de leurs milieux respectifs, l'un piétinant la déontologie qui seule pourrait sauver sa démarche de procureur, le second jouant des failles et des boursouflures du système avec l'énergie et la responsabilité d'un enfant de huit ans. Les seconds rôles qui gravitent autour du duo sont eux aussi réussis, de Bedos en banquier d'affaire (qui n'avait pas été aussi drôle depuis longtemps) à Laurence Arné qui compose divinement une arriviste de première classe, ils se fondent dans le film pour mieux le bouleverser régulièrement.

Il est simplement dommage que l'ensemble soit régulièrement parasité par des séquences explicatives, certes efficaces, mais dont le pédagogisme bienveillant détourne in fine de la narration. Le film oublie trop souvent que sa force réside dans sa capacité, au détour d'une phrase ou d'un regard, à ausculter avec humour le fossé qui sépare deux hommes. Certaines idées tombent à l'eau, tout simplement car la réalité les a dépassées, à l'image de cette scène volée, où Michel G passe tout d'un coup de PDG d'une multinationale florissante à vilain petit blanc raciste, au détriment de toute vraisemblance psychologique.

On peut trouver que Moi, Michel G, milliardaire, maître du monde n'est pas assez corrosif et n'est jamais le pamphlet que certains projetaient en lui. Ce qui est sûr en revanche, c'est que le film est une comédie et que cette dernière est souvent drôle. Ce n'est pas encore un pas de géant, mais c'est incontestablement la bonne voie pour qui s'intéresse à un cinéma français plus en phase avec son media, sa forme, et les sujets qu'ils traite. On peut s'en réjouir, ce n'est pas tous les jours qu'une comédie française a quelque chose à déclarer.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire