Critique : Et soudain tout le monde me manque

Simon Riaux | 19 avril 2011
Simon Riaux | 19 avril 2011
Avec Jusqu'à toi, Jennifer Devoldère nous avait fait plutôt bonne impression, rappelant bien avant L'Arnacoeur que le cinéma français savait conjuguer un univers propre et les codes de la comédie romantique. Le film était porté par le duo que formaient la réalisatrice et Mélanie Laurent, devant et derrière la caméra, avec une réussite certaine. On était donc curieux de voir le couple se reformer pour une nouvelle collaboration, ou la chronique d'une famille malmenée par les relations compliquées entre un père et sa fille.

Et il y a beaucoup de bonnes choses dans Et Soudain tout le monde me manque. À commencer par l'écriture des dialogues, à la fois énergique, rythmée, et toujours réaliste. Ni langue sclérosée ni faux jeunisme embarrassant, les répliques s'enchaînent avec fluidité et humour. Il en va de même pour la mise en scène. Devoldère sait tantôt se montrer discrète (mais toujours élégante), lors des séances dans le cabinet de radiologie par exemple, tantôt diablement cinématographique, lors de la redécouverte de son instrument fétiche par Michel Blanc par exemple. On se réjouit donc dans un premier temps de voir le long-métrage se rapprocher d'un certain cinéma français, maîtrisé et poétique, dont Rémi Bezançon est un des plus emblématiques artisans.

Dans l'ensemble, les personnages sont très réussis. La galerie de seconds rôles est à ce titre carrément épatante, de Manu Payet, formidable en clown triste, à Florence Loiret Caille, délicate et à fleur de peau. Michel Blanc emporte largement l'adhésion, dans un rôle taillé sur mesure de petit homme en apparence étriqué, imprévisible et névrosé. Un personnage qu'on l'a déjà vu interpréter souvent, mais rarement avec une telle délectation, une semblable finesse, à l'image de la scène surréaliste où, subitement assailli par un doute, il suggère à son épouse d'avorter.

Hélas, au fur et à mesure que l'on se passionne pour les destins croisés d'un père déconnecté et des ex de sa fille, seuls intermédiaires qu'il ait trouvé pour communiquer avec cette dernière, on réalise avec tristesse que la réalisatrice entend se focaliser sur cette jeune femme, interprétée par Mélanie Laurent. On pourra trouver la comédienne franchement fade, mais la faute en incombe principalement au scénario. Tout tend à la rendre absolument insupportable. Trentenaire déphasée, salariée d'un cabinet de radiologie, la belle s'ennuie ferme dans sa petite vie de parisienne privilégiée, squattant l'appartement de sa soeur et de son beau-frère, qu'elle saccage gentiment. Car voyez-vous, mademoiselle est en quête d'amour et d'art, deux aspirations qu'elle comblera médiocrement, avec désinvolture et irresponsabilité. Deux traits de caractère qui charmeraient chez un personnage plus jeune, insouciant, mais qui chez cette femme relèvent plus du caprice de gamine trop gâtée, qu'on se désespère de voir porter au pinacle au fur et à mesure du film.

On ressort donc de Et Soudain tout le monde me manque avec la désolante impression que de ce projet bourré de qualités, la réalisatrice ne se sera focalisée que sur l'élément le plus faible. Quelques fois, à trop vouloir parler de soi, on ne parle plus de rien, à personne. Heureusement, demeure la folle envie de faire un golf avec Michel Blanc, en parlant de jazz...

 

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