Critique : La Nouvelle guerre des boutons
On va tenter de mettre de côté la petite guéguerre autour des deux nouvelles adaptations du roman de Louis Pergaud La guerre des boutons (1912). D'ailleurs, pour éviter toute tentation de comparer les deux films, et comme on l'avait fait pour la critique du projet concurrent signé Yann Samuell, l'auteur de ces lignes n'a pour le moment vu QUE le film de Barratier.
Avec
Les
choristes
et Faubourg
36,
on avait déjà compris que Christophe Barratier avait une certaine
idée de la France et du cinéma qui sentait un peu la naphtaline.
Après deux films marketés à mort pour plaire aux séniors
nostalgiques de leurs culottes courtes, Barratier et Thomas Langmann
ne s'arrêtent pas en si bon chemin, et décident donc d'opter pour
le non-sens absolu avec cette Nouvelle
guerre des boutons
en transposant le roman pendant la seconde guerre mondiale, histoire
de placer le « petit » conflit au cœur du « grand ».
Et tant qu'à y aller avec de gros sabots, pourquoi pas ajouter au
récit une histoire d'amour entre Lebrac et une jeune fille juive ?
Alors on disait que la jeune juive en plus, elle a qu'à ressembler
comme deux gouttes de pinard à Anne Frank (et si t'as pas encore
compris, on lui fait rédiger un journal !), comme ça en plus de
braquer le porte-monnaie des séniors, on pourra espérer se goinfrer
quelques sorties scolaires avec tout ça ?
Profondément démago, La nouvelle guerre des boutons propose au spectateur de voir une France parfaite, dans laquelle en 44 même les collabos étaient en fait des résistants qui s'ignorent, et où tout le monde s'unissait afin de sauver une petite juive des griffes de l'occupant. De toutes façons, les vrais collabos, les méchants, on les reconnaît tout de suite à leurs sales trognes de truands, ou alors ce sont de gras bourgeois ou de douteux intellectuels. Très douteux d'ailleurs, comme le démontre la séquence du musée en milieu de métrage, lors de laquelle on assiste avec le personnage du guide (Eric Naggar) à un glissement collabo / homo / pédo des plus inquiétants. Ces vrais collabos là, de toutes façons, comme Bacaillé, ne méritent pas le respect (de la même façon, le père de Lebrac n'obtient le droit au respect que lorsque l'on découvre qu'il est résistant), ni d'autre sort au fond que d'être lynchés sans autre forme de procès. Le personnage de Violette a beau mettre en garde Lebrac avec un très subtil « tu te conduis comme un nazi », le film comme ses personnages ne feront plus machine arrière, les collabos sont de toutes façons irrécupérables et méritent tous d'être pendus. De toutes façons, chez Barratier et Langmann, la rigueur historique, on s'en balance (« passe ton short » dit Violette à Lebrac), mais on fera comme ci, ça fera d'avantage pleurer dans les chaumières. Tiens coco, t'auras qu'à me rajouter la lecture d'une lettre du papa d'un des gniards, enfermé dans les camps allemands, et puis tiens, on n'aura qu'à coller un panneau bien solennel genre « Violette n'a jamais revu ses parents » juste avant le générique de fin, ça fait histoire vraie.
Bons
sentiments : check. Image fantasmée de la France : check. Une
galerie de gosses caricaturaux qui jouent TOUS comme des pieds :
check. Tout était donc réuni pour que les deux acteurs fétiches de
Barratier, Kad Mérad et Gérard Jugnot, rempilent. Youpi. Au dessus
de ça, on rajoute un thème musical signé Philippe Rombi, tellement
éhontément pompé sur celui de Princesse
Mononoké
de Joe Hisaishi que c'en est presque comique (mais en fait nan).
Bref, vous l'aurez compris, le dernier effort de Christophe Barratier pue. Il pue le populisme réactif, il pue l'anti-intellectualisme primaire (la jeune fille qui passera du statut d'intellectuelle de ville à celui d'épouse de l'idiot du village, comme l'annonce le panneau final), celui dont Roland Barthes parlait dans Mythologies sous la dénomination de « poujadisme ». Mais un poujadisme de qualité française, môssieur !
Lecteurs
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