Critique : Même la pluie

Simon Riaux | 2 janvier 2011
Simon Riaux | 2 janvier 2011

Iciar Bollain et le scénariste Paul Laverty ne se sont pas lancés le plus ridicule des défis. Traiter au sein d'un même film de la révolte de l'eau qui a secoué la Colombie il y a une dizaine d'années, le récit d'un tournage dans des conditions précaires, et la confrontation entre les indiens d'Amérique et leurs premiers colonisateurs, il y avait de quoi se disperser. Contre toute attente, Même la pluie est un film qui garde toujours son cap, malgré quelques baisses de régimes.

Sebastian est un jeune réalisateur idéaliste et passionné venu tourner un long-métrage sur le traitement réservé aux indiens par les colons espagnols. Il est accompagné par son producteur, Costa, ravi de tourner avec des figurants locaux pour un moindre coût. Leur fragile entreprise est bouleversée lorsque l'un des acteurs, Daniel, prend part à la révolte qui gronde contre le pouvoir en place, qui tente de privatiser l'accès à l'eau. Le scénario mêle donc de manière parfois aride, et sans hiérarchisation, le récit du tournage, l'arrivée de Christophe Colomb, ainsi que le conflit social qui embrase le pays. Si ces trois strates fonctionnent parfois de concert, voire se répondent avec pertinence, à l'image d'une scène de répétition qui dégage une atmosphère à la fois absurde et oppressante, elle ont surtout tendance à cloisonner le récit. La partie historique étant la plus faible des trois, elle donne le sentiment que s'est glissé au sein du film de longs extraits d'un obscur docu-fiction.

La mise en scène fiévreuse d'Iciar Bollain vient contrebalancer le discours un peu facile et simpliste de ces séquences (les indiens sont opprimés par les mêmes bourreaux que jadis), et confère aux relations entre les personnages une tension électrique. Tension sublimée par des acteurs remarquables, qu'il s'agisse de Gael Garcia Bernal, touchant dans sa passion comme son aveuglement, ou de Luis Tosar (le narco-trafiquant de Miami Vice), impressionnant carnassier assailli par le doute. Le dernier acte de Même la pluie lui permet une fois de plus de révéler l'étendue de son talent, alors que l'intrigue se resserre avec justesse et permet au film de toucher le spectateur à l'estomac. Les trente dernières minutes atteignent une intensité et une simplicité que l'on aurait souhaité voire plus tôt, mais dont la force est indiscutable.

Si Même la pluie est trop ambitieux dans son écriture et maladroit dans sa construction, sa réalisatrice parvient à tirer de ce matériau une réelle énergie, portée par ses acteurs. Une alchimie qui se traduit par des fulgurances, avant d'aboutir à une conclusion qui laissera durablement sa marque dans l'esprit du spectateur.

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