The Thing : critique sans glaçage

Simon Riaux | 5 octobre 2011 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 5 octobre 2011 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Alors que les projets de remake d'oeuvres emblématiques des eigthies s'accumulent, que le cinéma de genre anglo-saxon rend continuellement hommage à Carpenter (voire le pille purement et simplement), on n'est pas vraiment surpris que débarque une relecture de The Thing. Ce dernier étant déjà un remake de La Chose d'un autre monde, de Hawks, l'entreprise pourrait même trouver dans cette imbrication complexe un semblant de légitimité, à condition d'avoir à son tour, quelque chose à raconter.

Le spectateur en mal de créature carnivore trouvera son compte, et devrait même s'offrir quelques frissons de premier ordre. Contrairement à ce qu'on pouvait craindre, le film ne lésine ni sur l'aspect graphique et répugnant des transformations, ni sur les très organiques dépeçages qui parsèment le récit. Ces séquences sont plutôt bien amenées, grâce à une réalisation honnête, qui ne cède jamais aux sirènes du sur-découpage, et se montre toujours généreuse. On est souvent surpris par la maîtrise des effets spéciaux, toujours très beaux, et qui parviennent même à tirer habilement parti de l'inévitable froideur des CGI, pour composer un monstre saisissant et implacable.

 

Photo Mary Elizabeth Winstead, Joel Edgerton

 

L'amateur d'horreur qui sommeille en nous est très décemment nourri, mais le cinéphile, lui, crie famine ! En effet, au fur et à mesure que progresse le récit, il devient clair que le film ne choisira jamais sa voie, entre préquelle et remake. Car si le scénario se déroule avant les évènements de The Thing, quasiment tout les rebondissements et images emblématiques de ce dernier sont reproduits à l'identique, où à peine transformés. À ce titre, remplacer Kurt Russell par Mary Elizabeth Winstead, qui a toutes le peines du monde à faire exister son personnage de nymphette en parka, semble une greffe féminine artificielle et vide de sens .Par conséquent, on cesse très vite de s'attacher à l'histoire et aux personnages, puisque le sort de chacun devient évident.

 

photo, Mary Elizabeth Winstead

 

Un écueil qu'aurait pu éviter le réalisateur s'il avait joué la carte du suspense, mais Matthijs van Heijningen Jr préfère les sursauts et autres jump scare. Il les utilise très efficacement, et il n'est pas rare de bondir sur son siège dès qu'un visage éclate ou qu'un membre se transforme. Un procédé divertissant, mais bien moins profond et immersif que le suspense de l'oeuvre de Carpenter, que son auteur savait insuffler par la seule science de son découpage, rehaussé par un montage implacable, qui ne laissait jamais au public le temps de reprendre son souffle.

Hollywood tenait une occasion passionnante d'offrir une renaissance au chef d'oeuvre de Big John, totalement incompris lors de sa sortie en salles, la faute à un extra-terrestre Spielberguien au doigt trop lumineux pour être honnête. Encore fallait-il que l'industrie cinématographique comprenne ce qui faisait la valeur de l'oeuvre de Carpenter. Sa radicalité semble encore inaccessible aux pontes des studios, qui espèrent nous éblouir de tripaille numérique, quand l'image la plus impressionnante de The Thing demeure celle de MacReady et Childs, immobiles et démunis alors que la nuit s'abat sur eux.

 

Affiche française

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commentaires
Flo
04/04/2023 à 16:53

John Carpenter étant un habitué des remakes (officiels ou inspirés de), lorsque l’exercice s’applique à ses propres films ça donne peu de réussites à part avec le « Assaut » de Richet, ou bien Carpenter lui-même faisant la Suite-Remake de son Snake Plissken.
Le concept du film de 1982 fait que l’on pouvait faire facilement un… Prequel-Remake.
Celui de 2011 est alors un bon élève appliqué, se réclamant de « Alien » comme à l’époque avec ses rollers, sa méfiance des intelligences artificielles, ses monstres cachés… et maintenant une héroïne qui s’émancipe au milieu d’hommes…
Engageant des comédiens norvégiens pour la crédibilité, et Gillis et Woodruff pour avoir des prothèses véritables (impressionnantes) et pas juste de l’image de synthèse…
Comblant les zones d’ombre du Carpenter par une sorte de rétro-ingénierie narrative… Pas très utile ? Trop similaire dans ses scènes répétitives ? – le test, les membres qui tombent, le final avec grosse bébête et explosion…
Rythme plus resserré, mais on y gagne au change pour les moyens techniques.
Et dans ce cas comme dans l’autre, il y a toujours ce côté effrayant à voir des corps exploser en des aberrations dégoûtantes à vous remuer les boyaux. Ainsi qu’un pessimisme, à peine évacué par des conclusions aussi ambiguës que cathartiques.

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