Critique : Omar m'a tuer

Louisa Amara | 20 juin 2011
Louisa Amara | 20 juin 2011
Le 25 juin 1991, la vie d'Omar Raddad a basculé. Placé en garde à vue par la police en qualité de « témoin important », du meurtre de Ghislaine Marchal, son employeur, il perdra ce jour là sa liberté et ne la retrouvera que 7 ans plus tard. L'affaire Omar Raddad a défrayé la chronique dans les années 90. Avec ceci de particulier, que tout semblait innocenter ce jardinier.

Fasciné par cette histoire où se mêle le complot, l'intolérance, l'absurdité du système judiciaire, Rachid Bouchareb a travaillé sur le projet avant de transmettre le flambeau à Roschdy Zem, qui réalise ici son second film. Les deux hommes ont le point commun ce désir de vérité et de justice.  Plutôt que de se concentrer uniquement sur Omar Raddad, qui n'est que la victime d'événements s'enchainant contre sa volonté, le réalisateur choisit aussi de montrer l'enquête minutieuse faite par l'écrivain, auquel Denis Podalydès donne toute sa verve.  Méticuleux, le romancier explore le dossier, le lieu du crime, les théories de l'accusation, l'autopsie etc.  Autrement dit l'écrivain fait le travail qu'aurait dû faire la police. Aidé dans cette tâche, par les avocats de la défense, dont le fameux  Jacques Vergès, que campe Maurice Bénichou, troublant de ressemblance et de justesse.

 Pendant ce temps là, Omar Raddad croupit en prison, on le voit donc résister, par une grève de la faim, s'indigner contre l'injustice qu'il subit, succomber au désespoir et faire une tentative de suicide. On en apprend plus aussi sur les prisons françaises à l'époque (et encore aujourd'hui), saviez-vous qu'en France, on enferme dans une cellule sans fenêtre et dans le noir, un homme nu dans le froid parce qu'il a eu le tort de faire une tentative de suicide ? Cette scène touchante est à l'image du film, qui alterne la rigueur scientifique de l'écrivain en pleine investigation, et la douleur vécue par le détenu, présumé innocent, mais déjà condamné.

Tout en retenue, Sami Bouajila traduit toute la complexité de cet homme très simple mais bouillonnant de l'intérieur, dépassé par les événements. Ne maitrisant pas la langue française, et condamné en partie pour ça, cet humble jardinier est la preuve vivante que n'importe qui peut être victime d'une erreur judiciaire.  Car le combat n'est pas terminé, après 7 ans de détention, Omar Raddad a été gracié mais pas innocenté. Il se bat toujours pour faire reconnaitre son innocence. La justice française lui refuse encore à ce jour une révision du procès, malgré les preuves ADN.

Grâce à Indigènes de Rachid Bouchareb, le président Chirac avait accepté finalement d'honorer la dette de la France envers les tirailleurs sénégalais et autres vétérans des colonies. Roschdy Zem n'est pas sûr que son film fera avancer le dossier. Mais il réussit à reconstruire le fil de l'histoire. En toute humilité, il nous montre les faits tels qu'ils ont été vécus par le héros et ses défenseurs.  Il ne fait pas un plaidoyer pour l'innocence d'Omar Raddad,  mais un plaidoyer pour la justice et la reconnaissance des faits, rien que des faits. Force de conviction, émotion, tension, un film entre réalité et fiction qui vous fera réfléchir au sens de la justice. C'est déjà beaucoup.

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