Critique : L'Étrange affaire Angélica

Laure Beaudonnet | 13 mars 2011
Laure Beaudonnet | 13 mars 2011
Sur le papier, le synopsis vend du rêve. Une famille riche diligente un photographe, Isaac, pour faire le portrait de leur défunte fille avant que son éclat ne se fane. En développant les négatifs, il est subjugué par sa beauté et croit la voir vivante. En réalité, le film frappe par son classicisme formel, proche du traitement de Raoul Ruiz dans La maison Nucingen, qui introduit une pointe de fantastique dans une atmosphère du début du XXème siècle. Comme si Manoel de Oliveira avait propulsé l'atmosphère du Tour d'écrou de Henry James dans un univers pictural proche des couleurs contrastées des tableaux de Rambrandt. On peut dire que le film détonne dans un contexte de cinéma « spectacle ». Clairement, on en est loin. D'ailleurs, le peu d'effets spéciaux qu'on peut entrevoir - car L'étrange affaire Angélica est tout de même un film fantastique - semblent avoir été conçus avec trois bouts de ficelles, ce qui n'est pas nécessairement pour nous déplaire.

Isaac, persuadé d'avoir vu Angélica vivante sur ses clichés, tombe désespérément amoureux d'elle, jusqu'à l'épuisement. Une manière de s'intéresser à l'amour comme d'un état proche de la folie. Tomber amoureux comme on tomberait malade, autrement dit. Ici, le sentiment est d'autant plus aberrant qu'Angélica est morte. Non seulement on perçoit la référence à toute une littérature sur l'amour et les méfaits de la passion : l'aveuglement, l'absolu et l'inconditionnel, enrobés d'un portrait onirique de la figure de l'ange. Chaque scène est riche de références visuelles et analytiques. Au carrefour de la mythologie et de la religion, le film a la qualité de donner des pistes de réflexion sur des thèmes philosophiques. D'où cette envie de faire le lien avec Raoul Ruiz. Malheureusement, à la différence de ce dernier, le cadre intellectuel ne suffit pas à maintenir son public en haleine.

Le suspense que présuppose le fantastique peine fâcheusement à prendre corps. Le rythme ne parvient pas à garder les sens en éveil, donnant par instant un triste sentiment de répétition. On comprend chaque intention, mais il semble qu'elle ne s'épanouisse jamais entièrement. Le mystère qui enveloppe Isaac tout le long du film finit par brouiller la compréhension du personnage. Ni empathie, ni attachement pour lui ne naissent. Ni même l'envie de faire un effort pour le comprendre. Pourtant, le film remplit le cahier des charges, que ce soit sur la forme ou sur le fond. L'étrange affaire Angélica est comme un bon élève dont la perfection étouffe la personnalité. Un brin de folie ne lui aurait définitivement pas fait de mal. Triste constat pour un film qui tente de poser un cadre à l'obsession amoureuse.

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