Critique : My name is Khan

Marjolaine Gout | 26 mai 2010
Marjolaine Gout | 26 mai 2010

Masha' Allah ! Finalement il n'y aura eu ni besoin de flamber des tombereaux d'encens, ni à faire appel aux incantations des sâdhus, le couple mythique du cinéma hindi s'est reformé. Kajol et Shah Rukh sont de retour ! Pour ceux qui ont une rame de retard ou simplement une avarie avec la cargaison du cinéma hindi... Kajol & SRK sont les Spencer Tracy et Katharine Hepburn, les Han Solo et Princesse Leia, les Fox Mulder et Dana Scully du 7ème art indien. My Name is Khan est ainsi l'un des films les plus attendu de 2010 avec la réapparition de son duo légendaire. Mais en dehors, de son casting, ce film présente un point de vue sans équivoque, en marge d'une vision occidentale atrophiée, sur le dézingage des tours jumelles et les répercutions de cet événement sur les musulmans implantés aux USA.  Il tend ainsi à conter et divulguer une version des faits biaisée et à illustrer de même le caractère universel du cinéma indien qui ne se cantonne guère à un simple découpage musical. Fastueux, captivant, le résultat reste néanmoins mitigé.

Karan Johar revient avec sa caméra virevoltante pour nous dresser un mélodrame humaniste et une romance atypique plantés dans les confins du fatidique 9/11.  C'est le troisième film hindi, traitant du 11 septembre 2001 et de son impact sur les communautés indiennes et musulmanes, après New York et le très bon thriller Kurbaan. My Name is Khan propose par le biais d'un personnage naïf et idéaliste le portrait d'un musulman, sa quête rédemptrice mais surtout une critique du lynchage des musulmans après ce 9/11.Grâce à un subterfuge scénaristique, Rizwan, atteint du syndrome d'Asperger, appréhende le monde d'une manière différente, permettant ainsi des situations improbables. Après avoir incarné un muet dans Koyla avec maestria, Shah Rukh Khan relève le défi d'incarner une personne atteinte de troubles autistiques. La performance est troublante. Il troque sa gestuelle, sa diction et son regard pour se métamorphoser en un poignant Rizwan. Même si l'alchimie entre Kajol et Shah Rukh est indéniable, le film s'articule tel le monologue d'un homme face à un monde cathartique. Shah Rukh Khan alias Rizwan, effectue un chemin de croix. Tel le héros idéaliste de Mr Smith au Sénat, il se retrouve confronté à un monde chaotique dont il tend de secourir. Les mêmes ficelles y sont exploitées : optimisme, populisme permettent de véhiculer un message humaniste et d'espoir.

Fidèle aux conventions du cinéma hindi, le film s'articule autour d'intrigues et de nombreux retournements de situations. De la romance au road movie, épicé de flash-backs et de nombreux ralentis, Karan Johar s'attache à distiller sa griffe. Même si Shibani Bathija reste la scénariste attitrée, Karan pose ses embardées lyriques et sa touche d'humour entre panoramiques et musiques exacerbées. Il s'attache à chorégraphier des situations génératrices d'émotions et à divulguer ses croyances et opinions. Dans la lignée de Kabhi Alvida Naa Kehna qui soulevait le problème du divorce dans la société indienne, il s'applique ici à souligner les maux de l'humanité et à tenter d'y remédier. L'intolérance et l'aveuglement face à un évènement traumatique sont par exemple relatés dans des séquences à l'instar de celles mettant en scène le port de l'hijab.

Bien que le film nous happe littéralement avec un début soigné et des plans subtils,  la deuxième partie est anéantie par la tentative de nous embarquer dans une ville rurale imaginaire. On a l'impression d'être propulsé dans le Hallelujah ! de King Vidor. Sauf que nous ne sommes pas en 1929 mais en 2010 ! L'ouragan Katrina déguisée en Molly façon Johar plombe davantage la narration. Lourdeurs, invraisemblances, coulis et magmas de ressorts émotionnels désagrègent ce film au combien prometteur. Mais il faut dire que l'une des marques de fabrique de Karan Johar se matérialise dans les excès, la folie des grandeurs. Heureusement, si le film est inconstant, la photographie ou l'habillage sonore du film sont ébouriffants à l'image des performances de ses acteurs principaux.

Sublime et poétique, parfois majestueux, My Name is Khan sombre dans les écueils d'un mélodrame souffreteux. Trop de mélo et trop de virage narratif plonge ce film dans des embardées dangereuses. L'odyssée chimérique se transforme en un capharnaüm à la fois critique et élogieux de la bête humaine. Karan Johar donne le sentiment de « hijacker » son film qui finalement se clôt avec une petite surprise pour les adeptes du Tonight Show de Leno.

Un film à contempler au cinéma pour apprécier son esthétique et sa musique aux accents « qawwalique ». Fermons les yeux sur les failles de ce My name is Khan qui réjouira et réveillera l'épiglotte de chacun.

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