Critique : Affreux, sales et méchants

Nicolas Thys | 8 juillet 2009
Nicolas Thys | 8 juillet 2009

Affreux, sales et méchants est l'un des parangons de la comédie à l'italienne. Toutefois, si cette satire est aussi grinçante et désopilante, avec un humour noir qu'on aimerait revoir aujourd'hui plus souvent, elle se démarque de beaucoup d'autres par ses références au néoréalisme qu'elle détourne de manière presque parodique avec des accents burlesques très prononcés. Cependant, elle reviendra à ce genre phare de l'Italie d'après guerre lors de certaines séquences qui prennent une dimension tragique et grotesque frisant l'absurde mais apportent une conscience politique sûre à cette œuvre désespérée et unique.

Dans la même veine que Les Monstres ou Les Nouveaux monstres ou Mesdames et messieurs, bonsoir, Scola s'amuse ici d'une certaine Italie qu'il va caricaturer à l'extrême pour en faire rejaillir toute la laideur et l'inhumanité dans un marasme sans nom. Chaque acteur semble sorti d'un cirque avec des visages ou des carrures presque difformes. On y retrouve notamment Nino Manfredi, acteur phare de la période qui a rarement été aussi bon que grimé en grand père millionnaire radin, égoïste et à la sexualité aussi débridée que son appétit et son désir de vivre pour mieux faire chier le monde, humilier ceux qui l'entoure et prouver qu'il est le maître. Mais le maître de quoi ?

Autour de lui ce n'est plus une famille mais un microcosme galeux qui rôde, à l'affût de son argent coûte que coûte. Une ribambelle d'enfants réunis dans un grillage qui leur sert de parc. Une pléiade d'adultes, qui se comporte comme ces gosses sauf que leur parc est un bidonville. La seule qui se détache de ce chaos est une adolescente de 13 ou 14 ans aux longues bottes jaunes fluo. Elle est prise entre deux mondes et ne parvient à en quitter aucun. Au cours de deux séquences fulgurantes et sans pratiquement dire un mot elle fait ressortir à elle seule toute l'horreur de ces gens cyniques, désabusés, vides et la détresse mélancolique qui règne dans ce désordre immense.

Véritable gangrène, ces individus ne sont que le reflet d'un sous-prolétariat et du rapport à l'argent toujours plus complexe qui hante la société italienne à cette époque. Au-delà de toute morale, les pauvres ne sont pas ici tant des gens à plaindre qu'un simple miroir. Oui, eux aussi peuvent être aussi grossiers que les classes aisées mais au moins ils l'assument et les renvoient à leurs propres démons.

À l'origine Scola voulait réaliser un documentaire sur les bidonvilles. Il a choisi le détournement par la comédie qui lui réussit parfaitement. Pier Paolo Pasolini, qui n'a cessé de décrire la transformation de l'Italie et son embourgeoisement par la société de consommation dans son cinéma ou ses écrits, devait d'ailleurs rédiger la préface d'Affreux, sales et méchants. Il fût assassiné avant de pouvoir le faire...

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