Mother : critique Alma Mater

Thomas Messias | 11 avril 2018 - MAJ : 19/04/2019 16:45
Thomas Messias | 11 avril 2018 - MAJ : 19/04/2019 16:45

Après The Host et Memories of murder, Bong Joon-ho continuait sa formidable trajectoire avec Mother, qui le voit quitter un temps les terres du genre pur, où le drame prend (un peu) le pas sur le thriller. Un film moins évoqué de sa filmographie et pourtant peut-être son oeuvre la plus crève-coeur.

DANSER DANS LES BLES

Chez Bong Joon-ho, la poésie n'a pas de limites. Elle se niche partout, d'étangs en rues commerçantes, de voitures de police en champs de blé. Le metteur en scène trouve sa singularité dans sa manière très orgaique et naturelle d'extraire le beau de chaque scène, y compris la plus sordide, et de faire ainsi se télescoper magie des sens et réalité sordide. Par certains de ses thèmes, Mother ressemble fort à Memories of murder, le film qui a fait connaître le cinéaste, notamment parce que les deux partent d'une affaire criminelle montrant l'incompétence des autorités et l'obstination de certains protagonistes à aller jusqu'au bout quel que soit le prix à payer.

Une mère prête à tout

 

Mais si Memories of murder se plaçait du côté des enquêteurs, Mother fait le choix bien plus déchirant d'adopter le point de vue de la mère du principal suspect, un jeune homme un peu limité qui a croisé la victime peu de temps avant sa mort.

La complexité de Memories of murder est également plus effacée ici : l'important est moins la recherche du coupable en elle-même que la flamboyance de cette mère vieillissante, l'énergie magnifique qu'elle va mettre à défendre bec et ongles son rejeton si fragile, et qui s'auto-détruit à force de ne pas pouvoir aider les autorités. Mother ne donne d'ailleurs pas de nom à son protagoniste, une manière évidemment de rendre un hommage universel à ces parents souvent prêts à mettre leur existence entre parenthèses au profit de ceux qu'ils ont enfantés.

 

Le visage même de l'innocence

MERE NOURRICIERE

Et tant pis si les méthodes utilisés par la mother en question vont régulièrement au-delà du tolérable : pour sauver un fils, il n'y a plus de limite, physique ou morale. Se pose-t-elle la question de la culpabilité de son Do-joon ? Oui. Connaître la réponse altérerait-il sa détermination ? Non. Et c'est dans ce ballet de manipulations, de fuites en avant et d'actes condamnables que mother et Mother déploient leur magnifique toile.

Mother est un film sur l'effacement, de soi et de ses souvenirs les plus gênants, allant à rebours de la majorité des œuvres cinématographiques dans lesquelles il convient de se mettre en avant et de combattre l'oubli. La mise en scène baroque de Bong Joon-ho s'accorde à merveille avec ce scénario qui accompagne les excès de ses personnages mais n'en fait jamais trop lui-même. Mother est un film emphatique, dépressif, et pourtant par ailleurs souvent drôle. Preuve de la maestria du film : brillant dans son mélange de ton, son humour n'a jamais autant ressemblé à la politesse du désespoir.

 

Résumé

L'histoire dira si Mother est un grand film, mais il est certain que c'est un très grand Bong Joon-ho.

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Lecteurs

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commentaires
Stridy
16/04/2019 à 07:41

Autant je n'ai pas compris l'engouement sur le très voyeuriste et simpliste "I met the devil", autant Mother est sublime.

Le rol’
13/04/2019 à 23:49

L’histoire n’a pas besoin de le dire ou le confirmer.
Mother EST un tres grand film.
P-etre le moins abordable mais definitivement son plus intime.
Son charisme a elle est juste impressionant.

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