Critique : The Damned united

Thomas Messias | 18 novembre 2009
Thomas Messias | 18 novembre 2009

Le football n'est pas un sport franchement cinégénique. Peu de cinéastes sont arrivés à mettre correctement en valeur l'une ou l'autre des facettes de ce sport pourtant si populaire. Un bref passage en revue montre même que les meilleurs films sur le foot sont ceux qui ne parlent pas de ceux qui le pratiquent, mais de ceux qui le vivent en supporters acharnés, passionnés, parfois si engagés qu'ils en deviennent violents. Tom Hooper a choisi de se rapprocher davantage du terrain que ne l'avaient fait ses condisciples David Evans (Carton jaune) et Philip Davis (Hooligans premier du nom) en s'intéressant à la trajectoire d'un entraîneur bien réel, Brian Clough, qui fit des merveilles avec le petit club de Derby County à la fin des années 60, avant de se ramasser prodigieusement à la tête du grand Leeds United. Adapté d'un roman de David Peace - également auteur des livres ayant inspiré la trilogie Red riding -, The damned united est avant tout le portrait de ce coach solitaire dont les méthodes finirent par trouver leurs limites.


Écrit par Peter Morgan (The queen & Le dernier roi d'Écosse), le film de Tom Hooper n'a rien de l'oeuvre impérissable qui réconciliera un jour, peut-être, grand écran et ballon rond, mais c'est néanmoins un divertissement extrêmement honnête qui a le mérite d'éviter la majorité des écueils du genre. Première excellente idée : on ne verra quasiment pas les joueurs à l'oeuvre, sauf au gré de quelques images d'archives bien senties, ce qui permet aux acteurs de conserver une certaine crédibilité - il est difficile d'interpréter correctement un footballeur doué. The damned united se déroule principalement en coulisses, des vestiaires au centre d'entraînement. De ce fait, nul besoin d'engager de vrais joueurs comme c'est traditionnellement le cas - rappelons-nous Pelé dans À nous la victoire ou Beckham dans Goal ! 2 -, bonne nouvelle supplémentaire puisque le mélange sportifs/acteurs n'a jamais semblé extrêmement cohérent. La deuxième excellente idée réside dans la construction du scénario : au lieu de nous servir un traditionnel "grandeur et décadence" avec montée en puissance et dégringolade finale, le film passe allègrement de 1969 à 1974, montrant à quel point un même homme peut passer du statut de demi-dieu à celui de paria.


The damned united est pourtant bien loin d'être une apologie proprette de son héros : divinement incarné par Michael Sheen, celui-ci est un jeune loup arriviste et orgueilleux, dont chaque déclaration dans les médias crée un véritable tollé. Hooper montre bien à quel point l'arrogance entraîne fréquemment le rejet, notamment lorsqu'il s'agit de tirer derrière soi un groupe de mâles disposant eux-mêmes d'egos surdimensionnés. D'autant que l'objectif de David Clough, plus que de remporter des titres, est avant tout de faire mieux que son prédécesseur et ennemi juré, au palmarès quasiment indépassable. Trop pressé de doubler son rival, il ne tarde pas à payer sa précipitation. Cette morale digne du Lièvre et la tortue s'accompagne de quelques scènes, les plus réussies, décrivant la solitude de l'entraîneur sportif, qui trépigne sur son banc et se sent impuissant. Le plus beau moment de The damned united est celui où Clough, exclu du terrain, est condamné à ne vivre le match de son équipe qu'à travers les réactions des spectateurs, passant une heure trente à guetter le moindre bruit afin d'en savoir davantage... C'est dans ces instants que le football, loin de la vulgarité de certaines de ses stars et de beaucoup de ses supporters, parvient à devenir infiniment émouvant. Ce petit film sans prétention y parvient mieux que beaucoup de grosses machines.

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