Critique : 35 rhums

Lionel (Alex Descas) est conducteur de RER. Il élève seul sa fille Joséphine (Mati Diop) avec qui il partage une relation fusionnelle. C'est simple : ils vivent pratiquement comme un couple. Sauf que Joséphine a grandi, que tôt ou tard elle devra partir du cocon familial pour vivre sa vie. Autour d'elle, il y a ce voisin, Noé (Gregoire Colin) qui l'aime en silence depuis longtemps. Mais est-elle prête pour ça ? 35 rhums s'attache à raconter les mutations d'une relation père-fille intense.

Claire Denis délivre comme à son habitude un cinéma sensible, subtil, magnifié par une mise en scène extrêmement sensorielle. On a l'impression de redécouvrir Paris et sa banlieue, bercés par la délicate musique des Tindersticks. La cinéaste offre là au spectateur une œuvre très ouverte, accessible. Le scénario est simple, déjà vu, entendu. Et pourtant : ici rien ne parait anecdotique, tout est magnifié par la mise en scène. On s'y perd, on s'attache à tous les personnages, on est profondément émus.

Ce n'est pas un hasard si Lionel est conducteur de RER. D'ailleurs la majorité des personnages travaillent dans les transports (taxi, compagnie aérienne). 35 rhums est l'histoire d'un virage important dans la relation d'un père et sa fille. Et les sorties de route éveillent toujours les pires craintes. Ainsi, Denis s'attarde sur le personnage secondaire d'un ami de Lionel. Sa carrière de conducteur s'achève, c'est la fin du voyage. Une retraite méritée mais malheureusement une solitude au poids inattendu. Car ce long-métrage c'est aussi un portrait de la solitude urbaine. Lionel et Joséphine y échappent car ils vivent dans leur bulle, à l'écart des autres. Mais une fois que Joséphine s'émancipera, quelle sera la vie de Lionel ?

De la tendresse, du spleen, de la mélancolie : 35 rhums est un film sur la famille, universel et bien pensé. Le genre de petit bonheur qui s'offre à nous sans qu'on s'y attende. Même quand elle traite de sujets simples, Claire Denis insuffle de la poésie, de la magie. Nul doute sur le fait qu'elle est une cinéaste majeure et qui laissera sa trace dans l'histoire de notre septième Art hexagonal.