Critique : Je veux voir

La Rédaction | 18 mai 2008
La Rédaction | 18 mai 2008

Une femme à sa fenêtre, regardant Beyrouth. Son staff aimerait bien la placer dans un douillet palace. Mais non. Son désir, elle le fait savoir : « Je veux voir ». Catherine Deneuve, icône nationale et mondiale du cinéma, rappelle en cette année 2008 que le temps passe mais que l’envie de prendre des risques persiste dans son métier d’actrice. Elle s’est ainsi engagée bénévolement dans le projet des cinéastes-plasticiens Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (auteurs du fabuleusement sensoriel Perfect Day et actuellement d’un des courts-métrages du projet Enfances). Leur objectif est simple : insuffler de la beauté dans un Liban sinistré. C’est ainsi que débute cette aventure à la fois humaine et totalement cinématographique. Catherine Deneuve joue son propre rôle, mais elle joue bel et bien. Fiction et documentaire se confondent pour nous inviter en plein cœur de Beyrouth, terrain à la fois angoissant (la peur d’une bombe qui explose n’est jamais très loin) et fascinant (la beauté de certains paysages laissent sans voix).

 

Et fascinant, Je veux voir l’est indéniablement, de bout en bout. Le spectateur a l’impression d’être dans la voiture avec Deneuve et Rabih Mroué (acteur libanais fétiche des deux réalisateurs). Nous suivons leurs premiers échanges gênés, puis progressivement, comme dans tout bon road movie qui se respecte, les liens se tissent. On plaisante autour d’une ceinture de sécurité (quoi de plus métaphorique ?), on se remémore son passé (histoire d’un pays, d’une région, d’une famille, d’un cinéma)…

 

Autant le dire de suite : Je veux voir est un film relativement indéfinissable. A la fois fiction, documentaire, road movie, film engagé, social, récit d’une rencontre amicale (amoureuse peut être même), réflexion sur la guerre, le passé, l’héritage sous toutes ses formes. Un projet qui transpire l’aventure et la découverte, qui témoigne d’une sensibilité de chaque instant et d’un réalisme saisissant. Ce réalisme des situations (on assiste parfois à un film en train de se faire, avec la présence de l’équipe technique et des réalisateurs qui négocient pour tourner à certains endroits, des scènes interrompues par les forces de l’ordre…) s’oppose à une certaine artificialité au sens le plus noble du terme. Car ne l’oublions pas, Hadjithomas et Joreige sont aussi plasticiens, artistes à la recherche d’une beauté formelle. Et c’est ainsi que par moment, aidé par une caméra inspirée et une bande originale enivrante, Je veux voir s’envole, entraînant le spectateur vers de petits chocs oniriques complètement jubilatoires.

 

On ressort de la salle conquis, étonnés d’avoir trouvé tant de beautés (plastique, humaine) dans un projet si humble. Du cinéma libre, inspiré et maîtrisé. On veut (re)voir !

 

Jonathan Fischer 

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