Critique : Miracle à Santa Anna

Stéphane Argentin | 11 septembre 2008
Stéphane Argentin | 11 septembre 2008

« Ce film parle de la Seconde Guerre Mondiale : il évoque une redoutable énigme qui met en jeu des faits historiques et la terrible réalité de la guerre. Mais il s'agit aussi d'un récit mystique et lyrique d'amour et de compassion ». Voilà en quels termes Spike Lee parle de Miracle à Santa Anna. Des propos qui reflètent à merveille son dernier long-métrage en date, aussi bien dans ses forces que, hélas, dans ses faiblesses.

Après Inside man, brillant détournement du film de braquage, il ne faisait aucun doute que Spike Lee n'allait pas, là encore, se contenter d'un « banal » film de guerre. Premier constat, omniprésent dans la filmo de Lee, la charge pro-black prend ici la forme d'une hiérarchie white (et plus précisément un certain Nokes campé par Walton Goggins, le Shane de The Shield) qui considère ces Buffalo Soldiers (les soldats afro-américains de l'armée US) comme des « nègres », des « esclaves ».

On n'en attendait pas moins du réalisateur lorsque celui-ci décide de coller aux basques de ces quatre soldats laissés à l'abandon en plein territoire ennemi, alternant les plans larges d'un périple toscan hasardeux et les plans rapprochés sur les corps meurtris, démembrés et autres boucheries du même acabit. Un graphisme devenu un passage quasi obligé en matière de réalisme guerrier depuis Il faut sauver le Soldat Ryan et sa petite sœur télévisée Band of brothers, le tout revu et corrigé par l'œil toujours aussi aguerri de Matthew Libatique (exit donc la photographie désaturée et le grain outrancier).

C'est également par l'image que Spike Lee commet son premier pêché avec des plans, voire des séquences entières, des plus insistantes : le Dormeur, le passage en revue un par un des cadavres lors du massacre introductif ou encore l'épilogue, ce dernier étant alourdi de surcroît par des explications orales. Soit le genre de pesanteurs auxquelles le cinéaste ne nous avait guère habituées. L'autre faute de goût revient quant à elle au troisième « black man » de la team Spike Lee, à savoir les compositions jazzy cuivrées de Terence Blanchard qui s'accommodent assez mal avec les deux grandes batailles en ouverture et en clôture du film.

La troisième et dernière lacune, contextuelle et non plus formelle celle-là, est à mettre au crédit du scénario. Sur le papier (le roman Buffalo Soldiers signé James McBride), la convergence des différentes forces en présence (allemands, italiens et américains) était sans doute limpide tandis qu'une fois portée à l'écran par le même McBride, ladite fluidité fait défaut. Tout du moins jusqu'à l'événement tragique à l'origine de toute l'histoire qui survient au bout de... deux heures (sur les 2h40 de durée totale). Autant dire qu'il faudra bien s'accrocher (ou revoir le film une deuxième fois) pour être récompensé.

D'autres récompenses, plus immédiates celles-là, seront toutefois présentes en chemin pour le spectateur. Ainsi, la tragédie susnommée fait-elle office de catalyseur émotionnel pour l'ensemble des personnages gravitant autour. Elle conduira à une attraction des opposés des plus touchantes, notamment entre la supposée veuve italienne et le Sergent Bishop (Michael Ealy vu dans l'excellente série Sleeper cell) ou encore, axe central du récit, la relation qui va se nouer entre le petit Angelo et le « Géant de chocolat », qualificatif oh combien sucré et bien moins péjoratif que le « négro » de service.

Des liens qui perdureront au fil des âges, dès que les feux de la bataille et les soldats s'en seront allés. In fine, le (petit) Miracle à Santa Anna aura eu lieu au bout de ce chemin mystique pavé de croix : Spike Lee est une nouvelle fois parvenu à détourner un genre codifié pour mieux se le réapproprier et en extraire un film où le cœur a plus d'importance que le plomb.

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