Critique : Be happy

Loin semblent être les drames auxquels Mike Leigh nous avaient habitués. Revenant aux demi-teintes gagnantes de Secrets et Mensonges, il articule Be Happy autour d'un personnage de presque folle chantante, dont l'énergie et la bonne humeur sans faille plaisent et touchent à la limite de l'énervement.

Déjà vu dans l'univers leighien de All or Nothing et Vera Drake, Sally Hawkins a le talent monstre d'habiter Poppy, un personnage plus complexe à jouer qu'il n'y paraît. Derrière une simplicité des sentiments, qui est artificiellement comparable à celle des Ingalls de La Petite maison dans la prairie, le réalisateur confronte la dureté du monde réelle et de son Angleterre d'aujourd'hui. Moniteur d'auto-école frustré, élève de maternelle violenté, prof de flamenco aigrie, les électrons virevoltant autour de Poppy provoquent sa "positive attitude" comme pour la faire basculer.

La force de Poppy reste immuable, mais les regards ingénieux de Hawkins laissent entrevoir sa conscience de la vie. Sourire malicieux, tenues bariolées et plein de vie, le personnage que tient Leigh lui permet de dévoiler de beaux portraits de femmes, en y mêlant une colocataire discrète, une petite sœur plus responsable que la grande ou une collègue mère protectrice. Cela donne des dialogues de nanas sur la vie, l'amour, le boulot que dédramatise souvent avec intelligence Poppy, notre Punky Brewster adulte.

Dressant un portrait de la jeunesse des trentenaires pas encore casés et n'ayant pas encore enfanté, Mike Leigh livre un instantané qui, s'il peut sembler parfois moins riche de sens qu'en durée (1h58), fait office de promenade agréable avec quelqu'un que l'on semble connaître. L'air de rien, et à défaut d'avoir vu le meilleur film de Leigh, on en ressort contents d'avoir rencontré Poppy et intrigués par ce modèle féminin de conscience à la joie communicative.