Wall-E : Critique

Jean-Noël Nicolau | 31 juillet 2008
Jean-Noël Nicolau | 31 juillet 2008

Le petit robot lève ses yeux mécaniques vers les étoiles. Dans son regard d'objet, dans ses pixels de personnage animé, l'émotion se devine. L'humanité a abandonné la Terre depuis 700 ans, laissant derrière elle un dépotoir géant et des automates pour faire le ménage. Wall-E est le dernier d'entre eux. Par-delà le protocole informatique, une âme est née dans la machine. Le cœur du nouveau film des studios Pixar bat ici, dans l'essence des sentiments. Tout a déjà été dit, écrit, tourné sur les émotions humaines, mais qu'en est-il des machines ?

Que nous pensions à 2001 (cité de façon brillante à de nombreuses reprises) et à Ghost in the shell n'est pas une surprise. On retrouve la même tension entre la solitude absolue (de l'espace, du réseau, de la Terre dévastée) et la fragilité de l'être. Dès les premiers plans du film, Wall-E apparaît comme minuscule, d'autant plus adorable, égaré au sein de visions post-apocalyptiques frappantes. Plus tard, il sera cette petite chose perdue dans l'espace, suspendue à un extincteur, entamant une danse sublime avec Eve, l'élue de son cœur. Les instants de tendresse robotique apparaissent comme inédits. L'anthropomorphisme étant réduit au strict minimum (les machines s'expriment quasiment sans un mot), c'est une nouvelle étape du cinéma de science-fiction qui s'ouvre à nous.

 

 

L'humanité, la notre, a-t-elle encore sa place ? Oui, mais comme peuple décadent : des esclaves volontaires d'un univers idéalement construit par le marketing et les machines. Les hommes, qui sont passés du réel (en tant qu'acteurs) à l'animation (en tant qu'issus de l'informatique), ne peuvent plus être à l'origine d'une révolte. Wall-E est le seul à échapper aux règles, un électron libre dans la plus belle veine du 7e art, quelque part entre Chaplin et Jacques Tati. Là où il passe, la technologie s'évade. Son armée est celle des mécaniques cassées, son appel est celui du libre arbitre, à un moment où toutes les existences sont conditionnées. Les humains méritent-ils d'être sauvés ? Bien sûr, répond le film, dans une bienveillance réjouissante. Mais au final, la renaissance de la Terre passera par Wall-E et Eve, en leur nouvel Eden.

 

 

En tant qu'œuvre cinématographique, Wall-E peut provoquer des déluges d'éloges sans pouvoir être décrit à sa juste valeur. On parlera de technique (c'est d'une beauté à couper le souffle), on parlera de poésie, de politique, d'humour... Mais chaque détail, de l'image ou du propos, mérite que l'on s'y arrête. En ce sens c'est le plus ambitieux des films offerts par Pixar, sans doute le plus sombre, mais aussi le plus profond. Le studio y perd en accessibilité ce qu'il gagne paradoxalement en universalité. Oui, Andrew Stanton vient tutoyer Stanley Kubrick et Hayao Miyazaki, sur le terrain de leurs chefs-d'œuvre (2001 et Nausicaa). Et il apporte une nouvelle pierre à leurs édifices.

 

Résumé

Rarement la sensation d'assister à un spectacle fondateur aura été aussi forte. Wall-E, film de l'année ? De la décennie ? Du 21e siècle ? Ces considérations paraissent bien ridicules, comme toute forme de jugement critique, forcément pompeux, forcément incomplet. Mais pendant une fraction de seconde, on aura été persuadé que l'avenir du monde se jouait dans le regard de deux robots animés se prenant par la main.  

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