Critique : Le Signe du Cobra

Julien Foussereau | 6 avril 2007
Julien Foussereau | 6 avril 2007

Rien que le titre Cobra Woman sent le mauvais B à pleins naseaux et il est difficile de percuter la première fois qu'il s'agit bien du réalisateur de Pièges derrière la caméra. Le générique de fin sitôt refermé, on demeure coi devant ce spectacle exotique placé sous le signe du funambulisme : Cobra Woman brille par une légèreté jamais très loin de la stupidité tout en faisant preuve d'une grande maîtrise formelle, un peu comme si on demandait à Sirk de transcender du Harlequin. Alors, sincèrement, il est illusoire d'espérer obtenir LE miracle avec le résumé qui suit : un brave gars sauve sa bien-aimée, prisonnière d'une île dans le pacifique peuplée de primitifs à la botte d'une grande prêtresse assouvissant ses velléités sanguinaires par le biais d'un culte du cobra. Précision importante : la bien-aimée en question s'avère être la sœur jumelle de la méchante prêtresse.

Tout un programme, n'est-ce pas ? Les blasés du 21ème siècle que nous sommes ne peuvent décemment pas contenir un sourire ironique face aux péripéties un tantinet poussives du falot Jon Hall et de son acolyte interprété par Sabu, sniper de la sarbacane empoisonnée (il fait mouche même en pleine nuit !), ou Lon Chaney Jr. en insulaire arborant un bronzage garanti 100% cirage. Enfin, on pourrait arguer que pour une peuplade légendaire, réputée féroce et sans pitié au point de faire passer tout ce que compte Skull Island comme bipèdes (King Kong) pour des intermittents de Disneyland, les autochtones de l'île du cobra sont pour le moins accueillants.

Malgré tout, il est difficile de résister au charme naïf de Cobra Woman, peut-être parce que Siodmak a la présence d'esprit de réaliser cette aventure comme une comédie musicale : une scène de Broadway chargée en feuilles de palmier et en salade de fruits (jolie, jolie, jolie !), parcourue par des protagonistes avec une gestuelle outrée et un parler cabotin, Maria Montez en tête. Celle qui fut surnommée « La Reine du Technicolor » avale ici tout cru le reste du casting dans son double rôle de gentille élue / méchante aruspice. En dépit de son jeu limité, il faut la voir danser lascivement avec le dieu cobra (plus proche du tuyau d'arrosage que du terrible reptile, en fait) avant de désigner d'un doigt ferme et d'une œillade sadique les sacrifiés humains en devenir ! Il faut surtout l'entendre bramer avec un accent à couper au couteau : « Geef me that cobra jool! Eeet ees rightfully mine ! » -réplique qui, au passage, serait quasi culte dans les milieux « cinéphilo-gays » américains- pour aussitôt voir Cobra Woman avec amusement et bienveillance.

Comme s'il savait qui fait vraiment son show, Siodmak laisse Montez et ses formes généreuses occuper le terrain pour mieux exécuter le cahier des charges de Cobra Woman, en bon artisan qu'il est. Et, de ce point de vue, l'application dont le cinéaste fait preuve dans le placement de ses caméras et ses lumières est la conséquence directe du solide cachet dégagé par le film. Au fond, cette simple constatation suffit pour définir Cobra Woman : un divertissement de petite envergure dissimulant une carte de visite remplie de grandes ambitions.

Résumé

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