Critique : Mr. Brooks

Ilan Ferry | 20 juillet 2007
Ilan Ferry | 20 juillet 2007

À l'image de son personnage principal, Mr Brooks possède deux facettes comme autant d'histoires parallèles lentement mais sûrement mises en juxtaposition. D'un côté, les tourments d'un monsieur tout le monde rattrapé par des pulsions meurtrières trop longtemps refoulées, de l'autre une femme flic coriace lancée sur ses traces et obligée d'affronter simultanément son divorce et l'évasion d'un tueur qu'elle a mis sous les barreaux. Deux parcours différents visant à se rejoindre ou comment remettre pernicieusement sur le devant de la scène deux stars déchues des 90's. Toutefois malgré son aura de véhicule pour has been, le film prend un malin plaisir à déconstruire le statut iconique de ses deux têtes d'affiches dans des rôles flirtant plus (Mr Brooks) ou moins (l'inspecteur Atwood) avec la névrose.

Dans le rôle titre,  Kevin Costner fait preuve d'une belle sobriété, retranscrivant parfaitement la profonde dualité de son personnage tiraillé entre humanité de façade et addiction compulsif au meurtre. À ses côtés William Hurt incarne un alter ego truculent, sorte d'âme damnée de ce cher Mr Brooks entretenant avec ce dernier un rapport fusionnel et malsain, comme si la monstruosité de Mr Hyde rencontrait le dangereux magnétisme d'un Tyler Durden.

Face à ses deux monstres d'ambivalence, Demi Moore peine à se démarquer en super flic sexy tout droit sortie de Charlie et ses drôles de dames si bien qu'on en viendrait presque à regretter l'absence de réel face à face entre ces deux ex poids lourds hollywoodiens. Toutefois, Mr Brooks est un film d'une noirceur assez étonnante au regard de son casting ultra balisé autrefois habitué à se faire les chantres de l'american way of life. Comme pris d'un irrépressible besoin de gratter où ça démange, l'intrigue prend un malin plaisir à déconstruire certaines valeurs chères à l'Oncle Sam pour mieux les intégrer à sa propre réflexion sur la naissance du Mal et sa transmission au sein de la cellule familiale. Un thème intéressant et traité avec une subtilité étonnante mais malheureusement pas assez approfondi.

Preuve de la farouche volonté de son réalisateur d'apposer une empreinte sur le film afin de l'éloigner des sentiers battus de la série B de luxe,  l'ensemble distille le malaise via une musique entêtante préfigurant la perversion du personnage principal, et une superbe photo conférant à l'ensemble une ambiance dérangeante à souhait oscillant constamment entre teintes cliniques et ouatées.

Toutefois, en dépit de ses indéniables qualités, Mr Brooks pêche par un manque de réel parti pris au niveau scénaristique. Ainsi, à la question le film de Bruce Evans est-il complètement schizophrène, la réponse est indéniablement oui tant le métrage s'évertue à jouer maladroitement sur deux tableaux différents sans proposer de réelle issue commune.

À mi chemin entre Dexter (auquel il emprunte le « personnage » du Passager Noir) et American Psycho, Mr Brooks refuse tout sensationnalisme afin de plonger le spectateur dans la psyché ô combien complexe d'un monstre ordinaire. Inégal mais diablement efficace ! 

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