Angel : Critique

Erwan Desbois | 5 mars 2007
Erwan Desbois | 5 mars 2007

Le François Ozon épris de cinéma et de femmes, au regard piquant et (im)pertinent est de retour. Comme s'il avait senti être allé trop loin dans ses deux derniers films, son nouveau long-métrage est en rupture complète avec leur veine misanthrope et glaciale : un mélo situé au début du XXè siècle, avec personnages et acteurs anglais. Ozon pousse la volte-face jusqu'à avoir adouci et embelli les protagonistes par rapport au roman dont il s'est inspiré. Cette optique positive a sûrement rejailli sur lui, car Angel respire le cinéma à chaque instant, et jongle avec brio entre émotions sincères et références conscientes.

 


Angel est construit autour d'un personnage féminin extrêmement fort (et interprété avec fougue à tous les âges par la quasi-inconnue Romola Garai) : une écrivain de romans à l'eau de rose dont l'énorme succès commercial lui permet d'obtenir la gloire, la fortune et la main de l'homme qu'elle aime avant de tout perdre peu à peu. Pour éviter le ridicule lié à l'aspect révolu du mélo pur et dur, Ozon a une tactique particulièrement efficace : il fonce ! Collant sans répit aux basques de son héroïne, il l'entoure d'un travail énorme sur les couleurs (chaque scène a sa teinte dominante, déclinée dans les décors, les costumes, l'éclairage…) et la musique pour jouer résolument la carte de la démesure lyrique. Avec succès : plastiquement, le film est beau à pleurer.

 

 

Ozon a de la culture et du talent, et il sait qu'il ne peut échapper au jeu des références. Alors il les intègre crânement à son récit, et au détour d'une scène ou d'un embranchement de scénario resurgissent des classiques de Minelli et autres Sirk, mixés avec des films venus d'horizons complètement différents. Le dernier acte, avec une Angel devenue une diva déchue et ressassant sa popularité passée, puise ainsi son inspiration dans Boulevard du crépuscule, anti-mélo s'il en est. Le mélange des influences prend plus que bien, et concourt à extirper Angel de la présence écrasante de ses lointains ancêtres.

 


Sur le fond, le film est soutenu par une intense réflexion sur la création artistique. Le dilemme consiste à savoir ce qui est le mieux entre une célébrité immédiate et éphémère (mais dont l'on profite matériellement) telle que celle rencontrée par Angel en se contentant de répondre aux attentes du public, et une oeuvre exigeante et dérangeante qui laissera une trace dans l'histoire, mais a posteriori, abandonnant l'artiste dans la misère pendant sa vie – soit le destin du mari peintre de Angel. L'effet de miroir avec l'œoeuvre d'Ozon, qui possède en son sein cette schizophrénie entre gratuité divertissante (8 femmes) et sérieux pesant (Le temps qui reste), est évident. C'est en réalisant une certaine synthèse des deux, sans clore aucune porte, que Angel achève d'être un grand film, le premier réellement mature de son réalisateur.

 

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