Critique : Du silence et des ombres

Nicolas Thys | 29 juin 2010
Nicolas Thys | 29 juin 2010

Rarement un film avec Gregory Peck n'aura aussi peu vu Gregory Peck d'autant plus qu'il obtint l'oscar du meilleur acteur pour To kill a mockingbird. Sans être invisible, il n'est qu'une ombre à laquelle on pense, à laquelle on se réfère. Il est une figure tutélaire mais qui ne fait que survoler les deux heures et dix minutes de film. Souvent, son corps est ailleurs.

Pourquoi ? Peut-être parce que la plupart des synopsis du film sont inexacts, ou qu'ils donnent une mauvaise description de l'histoire. Les grandes personnes donnent trop souvent le beau rôle aux grandes personnes. Mais non, il ne s'agit pas d'un film sur un crime ou d'un film de procès ou d'un film sur un avocat. Il ne s'agit pas non plus de l'histoire d'un homme. Il s'agit d'abord d'une histoire d'enfants. Du générique, l'un des plus réussis du cinéma hollywoodien, à la conclusion en passant par la voix off, celle de la petite fille devenue âgée, tout est centré autour des enfants et de leur évolution. De leurs peurs, de leur curiosité, de leur incompréhension. De leurs désirs, de leur découverte de la justice, du monde et de ses paradoxes et de ses défauts. De leur naïveté qu'ils érigent en force lorsqu'ils font face à une meute d'individus racistes et déchainées. De leur humanité face au comportement animal de toute une population. Du monde des adultes en somme.

Et le spectateur lui aussi n'est plus qu'un enfant lorsqu'il découvre la réalité du monde à travers les yeux de ces jeunes protagonistes, dont le père est à la fois absent et présent. C'est la grande force de Robert Mulligan ; capter la vie vue par ceux qu'on ignore : les plus jeunes dans une mise en scène qui joue sur les peurs primaires avec de magnifiques jeux d'ombre et une caméra à la hauteur de ceux qui ont le premier rôle, sans jamais les juger mais en étant de leur côté. Du silence et des ombres est d'ailleurs un film matrice dans l'œuvre du cinéaste. On retrouve les bases de son univers le plus personnel, qu'il projettera par la suite dans tous les genres, drames, fantastique ou romance. Deux éléments fondamentaux : l'enfance ou l'adolescence et leurs mystères, et la campagne américaine. Loin de la ville, de son tumulte, de sa modernité, on se situe dans une autre temporalité, dans un espace où tout est encore possible avec ses êtres étranges, ses lois et ses individus qui savent encore prendre leur temps.

Finalement, si Gregory Peck a eu son Oscar, et si l'American Film Institute a placé Atticus Finch en première position des 100 plus grands héros de film, ce n'est pas parce qu'il a des pouvoirs extraordinaires, ni parce qu'il combat le racisme, moins encore par son omniprésence a l'écran. Ce n'est pas pour cette scène, magnifique, de tribunal, vue une fois encore à travers les yeux des enfants, blancs et sans préjugés, qui pénètrent pour la première fois dans cette enceinte secrète et terrible avec la population noire. C'est simplement qu'il est un père, un vrai. Une référence constante pour ses enfants, authentiques protagonistes du film, et les spectateurs. Et ce rôle lui sied à merveille.

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