Courir avec des ciseaux : Critique
Un père alcoolo, une mère décalquée, un psy pas orthodoxe et un prénom pour le moins inhabituel : Augusten Burroughs cumule les haies à passer dans sa jeune vie d'ado ballotté entre les histoires d'adultes. Running with Scissors pourrait n'être que le récit filmique et imaginé d'une relation ratée mère/fils, si l'histoire n'était tirée du propre livre écrit par Augusten Burroughs lui-même. Le vrai.
Aussi insensé que cela puisse paraître, Augusten Burroughs n'est pas sorti de la manche de Ryan Murphy, le réalisateur et scénariste de cet ovni cinématographique (on lui doit aussi la série Nip/Tuck). Augusten existe bel et bien. Running with Scissors est son journal-souvenir-exutoire : un sacré foutoir, que sa prime jeunesse ! Passé cet étonnement sidéral, difficile de résister à cet enchevêtrement d'émotions, où l'on passe du tragique au comique en deux plans, avant que cela devienne touchant ou grave.
Voilà donc un film foldingue, à l'image d'une galerie de personnages tous parfaitement interprétés, tous hauts en couleur, tous complètement frappadingues. La presse américaine a encensé Annette Benning, pour sa composition de mère quand même psychotique et poétesse ratée. On lui préfère de beaucoup Jill Clayburgh, épouse de psy, mine de Droopy, irrésistible lorsqu'elle se baffre de croquettes pour chien en dévorant des films d'horreur minables en noir et blanc sur un poste de télé de l'ère précambrienne. Le psy, c'est Brian Cox, un croisement de Freud et de père Noël, imperturbable quelles que soient les circonstances, tout fier de son masturbarium et élevant un mausolée à ses étrons du matin. Ses méthodes d'analyse, si elles sont discutables, n'en sont pas moins surréalistes et franchement poilantes. La galerie des personnages secondaires ne déteint pas non plus : les deux surs du docteur Finch ; Neil Bookman, l'un de ses patients... Et, naviguant dans ce quasi bestiaire comme le roseau de la fable, le frêle - en apparence Augusten, assoiffé de l'affection d'une mère qui l'a confié aux bons soins de son analyste.
En sus d'une interprétation sans faille, tout le charme du film réside dans des décors tape-à-l'il délicieux. La maison des Burroughs, calme, bien rangée détonne avec le bordel ambiant de la maison à colonnes rose bonbon du docteur Finch. De la cuisine à l'escalier, un bric à brac invraisemblable et souvent de mauvais goût attire la prunelle. Les jeux de lumière, plus sombres, donnent une profondeur visuelle et introspective, comme si on se trouvait au fin fond d'un inconscient où tout est enfoui, déguisé, masqué. Les objets sont-ils bien ce qu'ils sont ou une représentation des blessures et des fêlures ?
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