Critique : Conversation(s) avec une femme

Sandy Gillet | 7 juin 2006
Sandy Gillet | 7 juin 2006

Une fois le procédé du « split screen » évacué, que reste t'il de ce Conversation(s) avec une femme, énième variation cinématographique sur les affres du couple ? Autrement dit est-ce que la mise en scène somme toute assez clinquante sert le propos éminemment éculé : les retrouvailles, un soir de mariage, d'un homme et d'une femme formant autrefois un couple, entre regrets, mélancolie et verres de champagne. Pas de quoi en effet révolutionner le genre même si d'emblée une précision temporelle s'impose puisque l'histoire commence au début de la rencontre et se termine le lendemain matin aux aurores. L'exercice en devient dès lors plus savoureux. Les plus perspicaces auront aussi compris que d'enjeux il n'y a point ici et que tout repose sur les épaules des acteurs et la mise en scène qui se doit d'être elle aussi aérienne.

Chose qui n'était pas gagnée d'avance puisqu'en optant pour le split screen déjà énoncé, soit la volonté de diviser ici l'écran en deux, Hans Canosa (dont c'est le second film) pouvait très rapidement se mettre tout le monde à dos à commencer par les acteurs eux-mêmes peu habitués à ce que leur prestation soit filmée en permanence et de permettre au spectateur de voir par exemple en temps réel les réactions de l'un aux paroles de l'autre. Mais dès les premiers plans, les craintes s'estompent très vite. La « faute » principalement aux acteurs justement où le couple Helena Bonham Carter et Aaron Eckhart au jeu extrêmement fouillé, sont extraordinaires dans leur faculté à s'approprier immédiatement une situation pour la rendre subtilement crédible. Leur jeu subtil facilite le spectateur que nous sommes à « accepter » d'emblée la forme que Hans Canosa réussit de surcroît à densifier au fur et à mesure que l'histoire avance via une réalisation au final étonnante de fluidité.

Cet accomplissement on le doit aussi à cette impression de retrouvailles en temps réel comme si le temps était suspendu ou que la temporalité de l'histoire était étirée au maximum. Loin d'agacer elle permet de savourer pleinement ce qui se passe à l'écran entre dialogues brillants, mise en situation soignée (on a même droit à des flash-back qui ne font pas toc et qui servent à merveille l'histoire tant dans la forme que dans le fond) et huit-clos délicieusement étouffant. Au final, le paradoxe veut que cette ligne de démarcation au milieu de l'écran dont le but est de fusionner les corps finit pourtant bien par les repousser. C'est la limite du procédé que le réalisateur a bien saisi lui qui, un peu par dépit, la fait disparaître en toute fin de film et de se rendre compte, un peu à l'image de ses personnages, que tous ces efforts déployés n'ont servi à rien. Conversation(s) avec une femme c'est donc cela : un exercice brillant et séduisant mais vain.

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