Critique : Ils

Vincent Julé | 18 juillet 2006
Vincent Julé | 18 juillet 2006

Ne vous laissez pas méprendre par la référence facile de Studio magazine au Projet Blair Witch en plein milieu de l'affiche, ni à l'effet d'annonce « inspiré de faits réels » aussi imposant que le titre du film. Non, préférez leur la sobriété et l'abstraction de ce visage fugace de femme, ou bien la article-details_c-trailers, découverte avec un peu de (mal)chance il y a quelques mois sur un site coréen obscur. Car l'essence de Ils repose sur cette aura mystérieuse et envoûtante, objet de fascination et d'excitation comme lorsque chez soi, on guette les bruits, les ombres en toute sécurité. Sauf que ce rapport très humain d'attraction et de répulsion ne dépasse jamais le stade du fantasme jusqu'à ce que…

Dès son prologue, de nuit et en voiture, le film joue de cette frontière entre une réalité fantasmée et LA réalité inconnue. Je suis enfermé dans ma voiture accidentée sur une petite route de forêt. Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce ce qui se passe dehors ? Qu'est-ce que c'est que ce bruit répétitif ?!? Tout le monde se ferait son propre film, et c'est que propose le parti pris des réalisateurs David Moreau et Xavier Palud : le spectateur se fait sa propre mise en abyme. Ce petit avant-goût sur une route déserte lui donne ainsi les armes pour se faire peur en compagnie de Lucas et Clémentine, officiellement expatriés français en Roumanie, et officieusement ses camarades de jeu pour l'heure suivante. Caméra à hauteur d'épaule, rendu de l'image volontairement granuleux, espace délimité, bruits de pas, portes fermés pour les personnages comme pour le spectateur, la mise en scène concourt toute entière à nous balader de pièce en pièce, du calme à la tempête, pour mieux nous renfermer sur nous-mêmes. Ainsi, l'œil de la caméra, le nôtre, scrute les couloirs, les escaliers ; elle semble parfois brasser du vent jusqu'à l'entrée dans le plan de Lucas, de Clémentine ou pire, de cette ombre encapuchonnée.

Et alors qu'au bout d'une heure aussi fascinante qu'éprouvante, la maison a révélé tous ses recoins, toutes ses issues possibles, les auteurs annihilent tout repère par une visite forcée en forêt. Mais ce qui devait faire perdre définitivement pied au spectateur l'amène ensuite, et le film avec, à tourner en rond. La nouvelle dynamique, plus mobile, s'avère rapidement laborieuse, tandis que la peur revêt alors, mais beaucoup trop tôt, son vrai visage. Un dernier incident de parcours qui atténue une image finale à la symbolique forte et malsaine, mais qui ne vous empêchera pas de mal dormir le soir venu. Ils étaient là…

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