Critique : Un après-midi de chien

Erwan Desbois | 19 juin 2006
Erwan Desbois | 19 juin 2006

Lorsque le duo formé par Al Pacino et le réalisateur Sidney Lumet s'attaque à Un après-midi de chien, ils sortent d'une collaboration plus que fructueuse sur Serpico – et vont à nouveau tordre les règles du film policier en y injectant une forte dose d'humanité et d'arrière-plan social. Cette liberté de traitement, typique du cinéma des années 70, éloigne Un après-midi de chien du simple récit d'un braquage raté tournant à la prise d'otages. Au lieu de cela, le film ressemble plus à une installation théâtrale, un spectacle improvisé en pleine rue de New York et dont le pitch ne sert que de cadre à une passionnante étude de caractères.


En donnant l'illusion d'avoir tourné en quasi temps réel et avec une caméra ne connaissant pas à l'avance le déroulement des faits, Lumet nous plonge au cœur du drame et retire tout le spectaculaire superflu de celui-ci. En faisant la part belle aux scènes en creux et d'attente plutôt qu'au suspense, il nous rend attachants et réalistes tous les protagonistes, qu'ils soient braqueurs, otages, flics ou badauds. Le film y gagne une richesse fabuleuse, puisqu'il parvient de cette manière à épouser tous les points de vue sur cette situation extraordinaire (au sens propre).


Un après-midi de chien fonctionne par cercles de personnages. Au cœur géographique et dramatique du récit se trouvent les personnes présentes dans la banque ; à l'extérieur de celle-ci, les équipes de police et les piétons qui profitent du « spectacle » ; et enfin, ailleurs dans la ville, les familles des preneurs d'otages et des employés de la banque, qui n'ont avec eux que des contacts fragmentaires (téléphone, télévision). Les liens complexes et variés qui se tissent entre et à l'intérieur de chacun de ces cercles rendent le film captivant et intense, d'une manière complètement originale. Une intensité décuplée par celle mise par les acteurs dans leurs performances à fleur de peau, saisies sur le vif par la mise en scène et desquelles ressort un incroyable sentiment d'urgence et de véracité.


De cette mosaïque de personnalités, un visage sort peu à peu du lot : celui de Sonny / Al Pacino, le planificateur du braquage, personnage passionnant et bouleversant. Son portrait se dessine en filigrane du récit, au travers d'échanges poignants avec ses proches : d'un côté sa mère et sa femme envahissantes et qui ne le comprennent pas (d'où deux séquences très sèches, sommets d'incommunicabilité), et de l'autre l'amour de sa vie, un homme pour lequel il est prêt à tout – y compris braquer une banque. La longue scène (huit minutes) où les deux hommes parlent à cœur ouvert de leur relation est un sommet d'émotion, au cours duquel tout le tragique du personnage, acculé de tous côtés, nous frappe de plein fouet.


Le dénouement de l'histoire n'est d'ailleurs pas relaté selon un point de vue objectif, mais subjectif. C'est à travers les yeux de Sonny, détruit par le système et abandonné de tous, que l'on assiste à la conclusion de cette prise d'otages, qui prend dès lors un tour déchirant permettant au film de marquer durablement les esprits et de dépasser définitivement le cadre du simple film de genre pour atteindre celui de classique.

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