Critique : Fur : Portrait imaginaire de Diane Arbus

Jean-Noël Nicolau | 10 janvier 2007
Jean-Noël Nicolau | 10 janvier 2007

Pour comprendre et apprécier toute la saveur très particulière mais intense de Fur : un portrait imaginaire de Diane Arbus, il faut sans doute avoir déjà succombé aux charmes vénéneux et adorables de La Secrétaire, le premier film de Steven Shainberg. Si le récit de séduction domination entre James Spader et Maggie Gyllenhaal laissait apercevoir un réalisateur à la personnalité et aux thèmes très affirmés et pour le moins originaux, cette vraie-fausse biographie de la photographe Diane Arbus confirme en grande partie nos espérances. Si en apparence, Shainberg respecte les codes du biopic hollywoodien, en emballant des pointes de mélodrame sous une mise en scène impeccable, voire trop propre, c'est au niveau de ce qu'il filme que l'auteur pirate joyeusement les figures imposées. Sa Diane Arbus est un pur fantasme, entretenant peu de rapport avec le personnage historique, et les fans de l'œuvre et de la personnalité risquent d'être très déçus s'ils viennent chercher ici un éclairage respectueux sur le parcours de leur idole. De l'œuvre de Arbus, Shainberg ne retient que l'idée de transgression, qui venait bousculer les belles images niaises des années 1950 en photographiant tous les parias et autres originaux des Etats-Unis.

Mais même cela n'est que secondaire par rapport à l'essence de Fur : un fétichisme hautement cinématographique pour la pilosité poussée à l'extrême. En dissimulant durant la quasi-totalité du métrage Robert Downey Jr. (par ailleurs excellent par le seul usage de sa voix) sous une épaisse fourrure, le réalisateur expose à nouveau son talent pour sublimer le glauque, voire le malsain (on se demande rapidement si la fascination de Arbus pour son voisin ne tient pas d'une étrange zoophilie). Les lombrics de la Secrétaire sont remplacés par des poils amoureusement caressés aussi bien par l'héroïne que par la caméra. D'une sensualité omniprésente, les scènes les plus esthétisantes de Fur ne ressemblent à aucune autre aperçues de mémoire récente dans une œuvre hollywoodienne. Les déboires familiaux de la photographe, ainsi que le final lorgnant un peu trop vers Elephant man (la référence majeure du film), paraissent ainsi un peu artificiels, ajoutés pour ménager à l'histoire un minimum de sympathie auprès du grand public.

Mais la « vitrine » de Fur est aussi son plus important défaut. Il s'agit bien sûr de Nicole Kidman, qui refait ici son éternel numéro de femme frustrée, engoncée dans les traditions mais prête à laisser libre cours à ses folies dès que l'occasion se présente. Abusant de son regard et de sa plastique à nouveau largement dévoilée, l'actrice tire parfois Fur vers un énième « Kidman Show » bien connu et facilement énervant. Paradoxalement, le travail de Shainberg n'en est que plus remarquable, parvenant à pervertir à la fois un sujet taillé pour les Oscars et une actrice cabotine. Il serait alors tentant d'affirmer que Fur est un film au poil, mais il mérite mieux qu'un calembour douteux, car il témoigne de la classe d'un réalisateur décidément à suivre.

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