Critique : Training day

Laurent Pécha | 29 mars 2007
Laurent Pécha | 29 mars 2007

Après deux mauvais films (le médiocre Un tueur pour cible a bien mal lancé la carrière US de Chow Yun-Fat ; quant à Bait, ceux qui ont acheté cet inédit en DVD Z1 mesurent encore l'argent qu'ils ont perdu), Antoine Fuqua a décidé de passer la vitesse supérieure en se lançant dans le polar à messages, celui qui relate ou s'inspire de faits de société. Bref de signer un film policier comme les Sidney Lumet (Serpico) et autre William Friedkin (French connection, Police Fédérale Los Angeles) les faisaient dans les années 70-80, une époque où tout en divertissant les spectateurs, ces cinéastes leur assenaient des scènes et idées chocs qui les poursuivaient bien longtemps après la projection.


Sur le papier donc, Training day s'annonçait prometteur dans sa volonté d'évoquer la corruption policière à travers la rencontre d'un bleu (Ethan Hawke, plutôt convaincant, son manque de charisme évident convenant parfaitement au rôle) et d'un flic chevronné mais totalement pourri (Denzel Washington toujours très fort mais qui a ici tendance à en faire des tonnes). D'autant plus que le scénario réserve une bonne surprise en faisant se dérouler le récit en une seule journée. Unité de temps et presque unité de lieu pour un drame qui va se nouer au fil de la formation. Ce type de scénario a beau être enthousiasmant quand on imagine ce qu'un Sidney Lumet a su en faire avec justement Serpico (référence qui vient sans cesse à l'esprit quand on évoque la corruption policière même si dans un tout autre genre, Les Ripoux ne sont jamais très loin), il faut vite relativiser son potentiel quand un simple yes-man se met en tête de le réaliser.

Tel le carrosse de Cendrillon qui se transforme en citrouille à minuit, la mise en images de Training day nous rappelle durement que l'histoire racontée a déjà été vue des milliers de fois, aussi bien sur petit que sur grand écran. Mais s'il ne s'agissait que d'un manque de talent, on aurait encore le droit à un polar sans intérêt mais quelque peu plaisant. Or, la première heure du film est d'une platitude consternante : Denzel fait monter Ethan dans sa voiture. Il lui apprend la vie. L'autre l'écoute attentivement. De temps en temps pour se dégourdir les jambes, nos deux lascars rendent visite à des dealers, des informateurs ou des commanditaires. Denzel va même jusqu'à faire faire du baby-sitting à Ethan pendant qu'il honore la mère du petit (qui est accessoirement son fils). Une fois ces exercices quotidiens effectués, c'est retour à la voiture pour discuter du dur métier de policier. Bref, durant plus d'une heure, il ne passe rien du tout à l'écran, pas même une véritable amorce d'histoire.


Alors quand l'action se décide enfin à s'emballer, on se pince pour être sûr de toujours être en train de regarder le même film. Devant la médiocrité du spectacle proposé, on en vient même à trouver un semblant d'intérêt à une séquence largement inspirée par celle de la tronçonneuse dans Scarface avec héros en danger de mort dans une baignoire. Quant au final, il permet à Denzel Washington de se lancer dans un one-man-show qui fleure bon l'envie d'impressionner la galerie, histoire de ne pas être oublié lors de la cérémonie des Oscars (et ça n'a d'ailleurs pas raté puisque le bonhomme est reparti avec la statuette de meilleur acteur !!!).

Quand les lumières se rallument, le seul véritable sujet de conversation est d'essayer de comprendre comment Training day a pu susciter un tel engouement aux États-Unis (public et critiques). À défaut d'être reconnu comme ses illustres prédécesseurs comme un grand polar aux thèmes forts, Training day gardera l'étiquette du film qui a ramené les américains en salles à la suite des tragiques événements du 11 septembre 2001. Maigre bilan mais révélateur de la tristesse des productions US de ces dernières années diront les plus sceptiques.

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