Mort ou vif : Critique

Guillaume Meral | 12 mars 2013
Guillaume Meral | 12 mars 2013

Véritable véhicule pour une Sharon Stone (également productrice) qui doit confirmer son statut de star acquis avec le succès de Basic Instinct, Mort ou Vif, deuxième incursion de Sam Raimi dans le système des studios, assume sa nature de commande de luxe avec une transparence qui n’a d’égal que le faste affiché par sa fiche technique. J

ugez plutôt : outre la blonde incendiaire en tête d’affiche, le film s’offre le grand Gene Hackman en bad guy et aligne un casting de gueules qui force le respect (Keith David, Lance Heriksen, Gary Sinise... sans compter les présences de Leonardo DiCaprio et Russell Crowe), se paie les services d’une équipe technique de luxe (Dante Spinotti à la photo, Pietro Scalia au montage, Alan Silvestri à la musique…), et enfin investit un genre dont il espère entériner la résurrection provoquée par le succès du Impitoyable de Clint Eastwood. Plus qu’un projet, un véritable ticket d’entrée pour franchir les portes dorées surplombant l’entrée dans la A-list hollywoodienne pour le réalisateur.

 

 

Or, si l’échec du film mettra un frein momentané aux ambitions du réalisateur, il cristallise également l’intégrité avec laquelle il pratiquera l’entrisme dans le système mainstream pour légitimer sa sensibilité artistique sans en compromettre la substance. De fait, sous ses dehors assumés d’énorme comic-book movie, domptant les figures de style du genre pour les accommoder à la dramaturgie ultra-graphique du cinéaste, il ne faut pas s’étonner que Raimi accomplisse une démarche similaire à celle de Sergio Leone en son temps (voir le traumatisme de l’héroïne, s’incarnant dans un leitmotiv en flash-back que n’aurait pas renié l’auteur des Dollars).

A savoir s’approprier un genre en épurant à l’extrême ses codifications narratives et thématiques  pour en extraire ses figures archétypales brutes, mais réincarnées ici dans une iconographie baroque au symbolisme exacerbé, transcendée par un art du découpage confinant au génie (l’introduction du personnage incarné par Gene Hackman, véritable leçon de maitrise du médium). Des partis-pris qui rejaillissent naturellement sur la structure du film, dont le recentrement autour du désir de vengeance de son énigmatique héroïne participe non seulement à faire de la trivialité du projet la moelle de sa narration (les duels, aux conventions dynamitées par le bouillonnement créatif de Raimi), qu’à ancrer le film dans un univers résolument fantasque, sorte de coin d’enfer dominé par l’omnipotence diabolique de John Hérold, son régisseur en chef.

 

 

Véritable orgasme pelliculée, Mort où vif ne saurait cependant se contenter de son statut d’œuvre de cancre surdoué, qui s’éclaterait avec les figures du genre en subordonnant leur raison d’être à sa seule créativité visuelle. De fait, le passage de Raimi dans l’univers le plus américain qui soit témoigne non seulement d’une volonté d’imposer son style dans le patrimoine cinématographique national que de gagner ses galons de narrateur aux yeux du public. Comme s’il se laissait rattraper par l’imaginaire du genre qu’il semblait vouloir vampiriser au début, Raimi effrite progressivement la contenance archétypale de ses personnages à mesure que son héroïne, anxieuse et hantée par un désir de vengeance qu’elle n’arrive pas à assumer dans un premier temps, trouve au contraire le chemin de sa propre iconisation. 

 

 

Résumé

En sublimant ainsi in fine son héritage (voir la tragédie qui guette le personnage de Di Caprio), Mort où Vif portait déjà aux nues les talents remarquables de conteur du réalisateur, qui bousculait alors de manière trop turbulente les habitudes du public pour que celui-ci ne lui fasse le triomphe qu’il méritait. Qu’importe, son heure viendra.

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