Evil dead 2 : Critique

Sébastien de Sainte Croix | 31 octobre 2006
Sébastien de Sainte Croix | 31 octobre 2006

Rares sont les suites qui arrivent à exister en tant que film autonome- ne devant (presque) rien à l'original dont elles ne sont le plus souvent que la copie.Evil Dead 2 est de celles-la. Sam Raimi parvient à faire mieux qu'Evil Dead et offre au spectateur médusé un film hystérique, rageur, drôle, inventif, tordu…. Bref les qualificatifs viennent à manquer. Retour en arrière….

Sorti échaudé de leur première expérience Hollywoodienne ( Crime wave / Mort sur le grill 1985 ) le trio Raimi / Tapert / Campbell – retrospectivement réalisateur / producteur / acteur - propose à Dino de Laurentiis un projet de suite à leur déjà mythique Evil Dead (1982).
Le budget en poche et la promesse d'une liberté presque totale, Raimi et sa troupe de fidèles partent se terrer dans un gymnase désaffecté au fin fond de la Caroline du nord et s'en vont, en quelques semaines de tournage, écrire une page de l'Histoire du cinéma (tout court). Presque 20 ans après il est encore difficile de se défaire du choc que représente la vision d'un tel film. Sam Raimi parvient à transcender le principe même de l'original…. si le scénario tient sur un cotillon, il laisse le champ libre à l'expérimentation que le jeune réalisateur avait commencé à développer dans la dernière demi-heure quasi-muette du premier Evil Dead.

 


Le fond et la forme se conjuguent pour offrir un spectacle unique, entre le tour de montagne russe et la « screwball comedy » des années 30. Pour ce faire, Sam Raimi et son scénariste Scott Spiegel, décident de pousser le concept éculé du premier film dans ses derniers retranchements. Un décor unique : que la caméra ne va cesser de nous faire découvrir sous de nouveaux angles vertigineux en déployant des miracles de technologie pour s'abstraire de la pesanteur : la cabane maudite prend des proportions gigantesques ; la caméra -adoptant le point de vue du Mal -n'a plus de limite et traverse les arbres, les murs, les corps…. laissant exsangues les protagonistes et le spectateur. Un protagoniste unique : Au groupe de jeunes ecervelés, Sam Raimi substitue un personnage unique Ash/Bruce Campbell. Après avoir rejoué la « partition » du premier film en moins de 5 minutes qui voit sa compagne disparaître à coup de pelle, Ash est livré en pâture aux démons ; véritable punching ball humain, qui pendant une bonne partie du film, se débat seul contre les forces du mal, et accessoirement lui-même, en proie à des hallucinations inédites. Bruce Campbell se prête de bonne grâce au jeu de « chambouletout » organisé par Raimi et livre une performance halluciné à laquelle Jim Carrey n'a du rester insensible. Puis Sam Raimi a besoin de sang frais pour alimenter les rouages et introduit de nouveaux personnages, renouant avec une intrigue plus classique (la seule partie un peu faible du film).

 


Au gore qui a fait la renomée de son premier film, Sam Raimi décide de substituer l'outrance grand guignolesque.Le temps a passé et les sommets de gore du premier opus ont de la concurrence- Stuart Gordon et son Re Animator ont posé de nouvelles limites, sans parler des délires transalpins de Lucio Fulci et autre Ruggero Deodato. Là ou le premier film pouvait apparaître brutal et choquant (malgré son humour macabre, la scène de viol a du mal à passer) le réalisateur va plutôt puiser son inspiration dans le burlesque non sensique des « three stooges », Marx Brothers du pauvre, qui n'ont cessé de l'influencer depuis ses premiers courts-métrages.

Exit les viols champêtres, bienvenue aux énucléations, démembrements et autres tronçonnages lorgnant dangereusement vers l'absurde et le surréalisme : Ash poursuivant sa main possédé, se mettant à rire hystériquement, suivi à l'unison par tout le mobilier de la cabane,… le sang tantôt rouge vif, vert ou noir envahit l'écran jusqu à imprégner la pellicule ( une lampe recouverte de sang diffuse une lumière rouge…) l'équipe du film ne se souciant guère de réalisme ou d'une quelconque censure (foutu pour foutu – le film sera interdit de toute façon).

 

 

Sam Raimi nous convie à un grand huit sensoriel où la caméra s'attribue un rôle à part entière. Sans pour autant ressembler à La dame du Lac de Robert.Montgomery ( premier film tourné entièrement en caméra subjective en 1948 ), le statut que le réalisateur confère à sa caméra est singulier ; incarnation de l'esprit du mal qui rôde au sein de la forêt avant d'assaillir Ash, Raimi tarde à briser l'illusion, à donner un visage à sa caméra. Les jeux de miroir sont multiples et renvoient toujours une image distordue et « monstrueuse « du sujet, tous les personnages sont des monstres en devenir – il ne reste plus qu'à attendre le moment opportun pour passer du côté obscur. Il est clair que la sympathie de l'auteur du bien nommé Darkman (1988) va plutôt vers le double possédé de « Ash »

 


Le personnage incarné par Bruce Campbell gagne cette fois ses galons de super–héros de l'horreur : jeune adulte mal à l'aise dans le premier, il apparaît body buildé, la machoire serrée et n'hésite pas à se défaire de sa main possédé puis à la remplacer par une tronçonneuse, tout en brandissant un canon scié de l'autre (main) ; il finira par entrer malgré-lui dans les livres d'Histoire ( les pages du Nécronomicom le représentent comme le sauveur venu du ciel) dans une scène finale d'anthologie qui fait définitivement voler en éclat le cadre devenu trop étriqué du film d'horreur pour basculer en pleine heroic fantasy….

 

 

Bruce Campbell trouve en Ash le rôle le plus marquant de sa carrière et aura du mal à se défaire du personnage qui l'aura rendu « célèbre » : il ira même jusqu'à réaliser My name is Bruce oû il joue son propre rôle : un acteur de série B que des habitants d'une petite ville confondent avec son personnage fétiche et forcent à se battre avec un vrai démon ….Evil Dead Versus les Trois Amigos….sortie en 2007.

Certains mauvais esprits considèrent le cinéma de Sam Raimi comme une attraction foraine à laquelle on jette un coup d'œil agacé, où la camera bouge pour attirer le chaland et inspire plus la charité que le respect…. Le réalisateur revendique haut et fort son côté sale gosse et rend une copie griffonée, couverte de taches de sang coagulées. Véritable film-manifeste malgré-lui, Evil Dead 2 installe haut et fort le talent de son jeune metteur en scène au panthéon des réalisateurs cultes ( la séquence de High Fidelity de S.Frears où Jack Black et John Cusack dissertent sur Evil Dead 2 en dit long sur le chemin parcouru en 10 ans par le film via une large diffusion vidéo).

 

Résumé

Dernier coup de génie de Sam Raimi qui s'en retournera tenter sa chance dans le système des grands studios avec plus ou moins de réussite( Darkman, Army of darkness la suite tant attendue de Evil dead mais aussi Pour l'amour du Jeu ou Intuitions ), adoptant un style plus « neutre » - signe de maturité ? avant de parvenir au grand exercice de funambule que sont les Spiderman où il parviendra miraculeusement à satisfaire les fans de la première heure ainsi qu'un public plus large.

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