Qui veut la peau de Roger Rabbit ? : critique de toons

Jérémy Ponthieux | 7 mai 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jérémy Ponthieux | 7 mai 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

C'est l'un des grands films de Robert Zemeckis, notamment produit par Steven Spielberg, qui a marqué son époque pour bien des raisons. Odyssée folle et hallucinée dans un monde où Bob Hoskins le détective privé chasse des toons, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? est un classique indémorable.

Bugs Bunny et Mickey, l'un en face de l'autre, en pleine chute libre, s'échangent quelques répliques complices, comme deux vieux potes soudainement réunis. Cette image surréaliste, qui fait la jointure entre deux maisons de l'animation souvent concurrentes, est un peu le symbole manifeste du fantasme fabriqué par Robert Zemeckis et son célèbre Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Sorti en 1988 après trois années de dure labeur, pas passé loin de l'annulation à de multiples reprises, le film aura connu un succès merveilleux à sa sortie, asseyant non seulement la prise de pouvoir de Zemeckis comme nabab du divertissement mais aussi celle de Spielberg comme producteur de génie, dans une association qui répondait à une autre fantaisie du temps. Le revoir aujourd'hui, après plus de vingt ans de bouteille et un monde de l'animation chamboulée, ne constitue pas seulement un moment de nostalgie mais s'avère aussi être la preuve que le temps n'a pas toujours la main mise sur les œuvres qu'elle destine à la casse.

 

Photo Bob Hoskins

 

L'idée est simple mais démesurément ambitieuse : fabriquer un film noir dans l'univers du cartoon en mélangeant prises de vues réelles et animation entièrement crayonnée. Le défi technique est de taille puisqu'il s'agit de rendre plausible l'interaction entre des chairs de sang et d'os et des animaux en traits de crayon, le tout dans une narration entrainante et émotionnellement crédible. Le résultat prouve comme Zemeckis était l'homme de la situation, lui pour qui repousser les frontières de l'espace est un leitmotiv obsessionnel. Dès les premières minutes sous forme d'un cartoon endiablé, on est happé dans l'énergie dévastatrice du film, qui ne subit pour ainsi dire aucun temps mort et se permet le luxe de faire face à chaque idée loufoque promise.

 

Photo Bob Hoskins

 

Dans un habile plan-séquence introductif, le réalisateur fait exister une relation plausible entre le monde humain et celui des toons, et signe un pacte avec le spectateur empreint d'une honnêteté à toute épreuve. C'est que biberonné à l'écurie Spielbergienne, il n'oublie pas de faire primer l'histoire avant l'épate technique, comme en témoigne une mise en scène en travellings savamment calculés et en cadres amples et cohérents, où les personnages sont au centre de l'action et non pas l'inverse.

Soigné dans sa reconstitution historique et créatif dans la part animée de son univers, le film parvient à faire le miraculeux pont qui s'avère être au centre du projet, toujours avec cette ambition première de livrer un film noir perverti, où les toons peuvent être soit une plantureuse Gilda animée soit des truands à l'inouïe perversité. Au milieu de tout cela, le duo formé par l'irascible Bob Hoskins et l'incontrôlable Roger Rabbit fait des merveilles, leur opposition de caractères produisant moult joutes verbales et autres gags visuels ludiques à souhait, quand bien même la puérilité du Rabbit en question pourra un peu taper sur les nerfs à la longue.

 

Photo Bob Hoskins

 

Les retournements narratifs s'enchainent sans discontinuer jusque dans un final au suspens redoutable, en passant par un détour dans Toonville génialement fou à de multiples égards et qui agit comme un rêve de gosse (qui n'a jamais rêvé de se retrouver dans un cartoon ?). Non sans malice, Zemeckis laisse discrètement transparaitre le tableau d'un capitalisme zélé, où l'on génocide sans sourciller pour le seul appât du gain, et face auquel la joie quotidienne et l'innocence sans ombrage des toons peuvent toujours faire front. On pourra même y voir la défense enflammée d'une certaine classe de divertissement, puisque Roger Rabbit est bien de cette veine de blockbusters qui ne cédait rien à la facilité et aux raccourcis bon marché.

 

Affiche

Résumé

Une autre époque sur laquelle seule une technique aujourd'hui moins épatante qu'hier semble avoir porté un peu atteinte, puisqu'il est vrai que les astuces techniques pourront (parfois) prêter à sourire. Une bien petite tâche dans un divertissement jubilatoire qui n'a connu jusqu'à ce jour aucun descendant digne de ce nom.

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Lecteurs

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commentaires
Série b
08/05/2018 à 17:13

Ready Player One en est le digne successeur.

Ichabod
07/05/2018 à 21:21

Que je l’aime ce film putain.

Dirty Harry
07/05/2018 à 21:07

- C'est difficile pour un homme de regarder une femme avec votre physique...
- Je ne suis pas mauvaise : on m'a dessiné comme ça
- C'était pas vous que j'ai surprise a faire Picoti avec Acme ?
Entre film noir et hommage amoureux à Tex Avery (plus qu'à Disney ou Warner) ce film est un bijou. A noter que l'ensemble du staff de dessinateurs s'est fait recruter chez Disney juste après pour faire "La Petit Sirène" (la chanson "sous l'océan" du crabe dénote un aspect "Toonville" très prononcé.

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