Critique : Shooting dogs

Erwan Desbois | 3 mars 2006
Erwan Desbois | 3 mars 2006

L'équipe de Shooting dogs se targue dans les génériques de début et de fin du film d'avoir traité du génocide rwandais en allant tourner sur place, avec la collaboration de survivants et de proches de victimes du drame qu'il raconte : le regroupement de milliers de réfugiés dans une école catholique, puis leur abandon par le contingent de soldats et les deux prêtres occidentaux présents dans le même lieu. Mais de telles cautions morales, aussi inattaquables soient-elles, ne font pas pour autant la qualité d'un film ; au final, ce sont toujours le point de vue employé et la qualité du scénario qui prévalent.

De fait, Shooting dogs souffre – à une échelle réduite – du même mal que celui qui frappa les grandes puissances occidentales à l'époque du génocide : il se restreint presque exclusivement au point de vue des Européens présents sur place. Ce sont eux les véritables protagonistes du récit, tandis que les rwandais sont rejetés dans l'ombre de l'anonymat et des stéréotypes. Du coup, bien que le film pose des questions pas forcément inintéressantes (sur l'impuissance que l'on peut ressentir face à un tel déferlement de violence), transformer les véritables victimes du génocide en figurants de cette crise de mauvaise conscience occidentale rend le tout hors-sujet. Le meilleur exemple en est donné dans la scène la plus poignante sur le papier – la tentative désespérée de certains des réfugiés de fuir l'école par une sortie dérobée –, qui tourne immédiatement au carnage car les Hutu encerclent l'école. Séquence insoutenable et inattaquable, mais qui n'est suivie que par un monologue de l'un des deux prêtres exprimant sa réaction horrifiée et traumatisée face à ce à quoi il vient d'assister. La douleur des personnages rwandais ayant perdu un proche dans cette tuerie est quant à elle complètement occultée, comme si le génocide n'existait que pour servir de base aux questionnements du héros.

La construction souvent malhabile du script et la mise en scène pataude de Michael Caton-Jones (réalisateur semi-anonyme – Memphis Belle, Le Chacal –, qui déclare dans le dossier de presse avoir voulu revenir à quelque chose de « moins superficiel » avec ce film, et qui a depuis tourné… Basic instinct 2) n'arrangent rien. Les péripéties vécues par les personnages sont mal structurées, répétitives – lors de leurs trois sorties hors de l'école, ils croisent un barrage hutu sur le chemin du retour –, et l'ensemble manque singulièrement d'adresse et de finition. Reste bien sûr la force intrinsèque du sujet et du drame horrible qui se déroule sous nos yeux ; mais quel que soit l'angle sous lequel on le regarde, Shooting dogs se situe plusieurs crans en-dessous du récent Hôtel Rwanda, plus prenant et plus pertinent (les tenants et aboutissants du conflit y sont par exemple bien mieux expliqués).

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