Mulholland Drive : critique

Thomas Messias | 31 décembre 2009 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Thomas Messias | 31 décembre 2009 - MAJ : 09/03/2021 15:58

À sa sortie en 2002, c'est un fait, Mulholland Drive était déjà un chef d'oeuvre. 

Des années plus tard, non seulement la magie noire exercée par le film fait encore effet, mais un facteur important est venu ajouter à sa légende : il s'agit du dernier film réalisé par David Lynch avant sa découverte du numérique, qu'il utilisa pour un INLAND EMPIRE qui a fait pas mal de ravages parmi ses fans de la première heure. On n'aura peut-être plus jamais l'occasion de découvrir et de déguster des plans savamment composés, toujours entre baroque et mauvais goût, lyrisme et puanteur, mais en tout cas d'une classe monstre. Chaque plan de Mulholland drive est un tableau de maître, une symphonie visuelle entre Rothko et Hopper. C'est dire le grand écart absolu et permanent effectué par cette oeuvre phare qui tente tout, y réussit à chaque fois, et ne cesse de fasciner malgré des visions répétées.

 

photo, Laura Harring, Naomi Watts

 

Car Mulholland drive, qu'on le veuille ou non, est un film sans clés. On aura beau essayer d'en recoller les morceaux, d'en imbriquer les périodes et les situations, arrivera forcément le moment où deux pièces du puzzle ne coïncideront pas, ou mal. Le génie fourbe de Lynch atteint indubitablement des sommets avec cette oeuvre si ouverte qu'il y a de quoi en devenir fou. Des clés, des boîtes, des lampes et des téléphones, il y en a partout dans le film : mais rien n'éclaire, ne communique, n'ouvre sur une réponse quelconque. Mulholland drive est un voyage conscient et inconscient à la fois. Une exploration sous GHB d'un quartier aussi luxueux qu'inconfortable pour l'esprit. Le genre d'expérience qu'on aimerait mieux avoir rêvée avant de se rendre compte que c'est en partie la réalité.

 

photo, Laura Harring

 

On ne saurait déterminer le nombre exact de scènes cultes et tétanisantes, belles pour ce qu'elles semblent signifier ou juste pour ce qu'elles montrent : la scène du café, celle du théâtre Silencio, celle de l'audition, celle avec le monstre derrière chez Winkies... il y a dans chacune d'elles une résonance psychanalytique qui s'opère, s'insinue dans l'inconscient, puis effectue à un moment ou l'autre une jonction inattendue avec une autre scène... Pas étonnant que, dans l'une des éditions DVD du film, Lynch propose de visionner le film avec les scènes disposées aléatoirement : l'ordre ici n'a que peu d'importance, tant la continuité temporelle semble avoir volé en éclat. Plus d'avant, plus d'après ; ni flashbacks, ni flashforwards : après la boucle de Lost highway, Lynch fait du temps un simple point, une vue de l'esprit dans laquelle tout se produit au même instant.

 

photo

 

Mais remettons deux secondes les pieds sur Terre : Mulholland drive n'est à ce point marquant que parce que Lynch a su s'entourer d'interprètes hors du commun. D'abord Naomi Watts, alors inconnue, dont la prestation est tout bonnement monstrueuse : elle est tour à tour fragile, friable, pathétique, désirable, moite, haïssable... Chaque facette opérant comme une brusque poussée de fièvre, la suivre s'apparente à une interminable mais jouissive séance de montagnes russes.

Face à elle, Laura Harring s'impose comme la digne héritière des grandes actrices des années 50. Le duo qu'elles forment, qui tend à devenir un couple, repousse les lois de l'attraction. Justin TherouxAngelo Badalamenti - oui, le compositeur -, Dan Hedaya, Patrick, Fischler... dans un autre genre, les autres sont aussi impressionnants, tous aussi siphonnés et mal à l'aise les uns que les autres, participant à l'élaboration complexe et inexplicable de ce monument jouissif et déconcertant, drôle et tétanisant, érotique et repoussant. Même en retrouvant ses esprits, on voit mal comment Lynch pourrait aller au-delà de cette expérience limite.

 

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commentaires
Fantomas
18/01/2022 à 14:47

Quelque-chose de mystique derrière ce que je crois être du refoulement religieux américain, typique de chez Lynch qui voit dans la religion quelque-chose de grossier et qui est ... grossier de toute façon (le conformisme américain incarné par les deux personnages du début et poussent au suicide l'héroïne à la fin du film).
Le choix qui détermine le cours de la vie = présenté de manière décalée avec cet espèce de cow-boy dans le désert, en fait s'impose à l"héroïne. Là, c'est de la psychanalyse ou / et une vérité quasi-religieuse.
Le patron = une sorte de Satan ou patron d'une sorte de mafia mystique qui désigne l'âme qu'elle veut et qui fini toujours par l'obtenir (visible aussi dans Mystère à Twin Peaks) . D LYNCH est un mystique qui refuse la religion traditionnelle mais ne peut être totalement athée du fait, qu'il croit aux effets du Mal ou du refoulement quand même.
La perception du réel dépend de son état d'âme : du LYNCH tout craché. Mais imprégnée de demi-vérités intéressantes quand même.
C'est un avis strictement personnel

A l’occasion de la réédition 4k
09/01/2022 à 23:33

Chef d’œuvre

MB
21/02/2021 à 02:11

Chaque jour depuis vingt ans je vais sur les sites de cinéma lire les nouvelles critiques sur Mulholland dr. Ce film a bouleversé ma vie!

Benichou
19/12/2016 à 18:07

Mon film de chevet, aujourd'hui et pour toujours.

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