Critique : La Peur au ventre

Stéphane Argentin | 28 février 2006
Stéphane Argentin | 28 février 2006

Après Lady chance (The Cooler en VO), long-métrage plutôt bien troussé et remarqué dans sa tournée internationale des festivals (Sundance, Cannes, Toronto, Deauville…) et qui fit son petit effet aux États-Unis auprès de la commission de censure en raison d'une scène de coït un peu trop explicite entre William H. Macy et Maria Bello, Wayne Kramer revient avec son nouveau film : La Peur au ventre.

Ultime pied de nez à cette petite anicroche avec la fameuse MPAA, le cinéaste ouvre son nouveau film sur deux scènes à faire dresser coup sur coup les cheveux sur la tête des censeurs bien pensants : un gunfight que n'aurait nullement renié Peckinpah ou De Palma (et auquel se joint un petit effet Matrix dans l'air du temps), où tous les murs de la pièce se voient redécorés, suivi d'un nouveau petit coït (avec cunnilingus à la clé) sur une machine à laver (à l'arrêt, pour ceux que l'info intéresserait même si, en marche, c'est bien plus drôle comme chacun le sait) entre Paul Walker et Vera Farmiga.

Bienvenue dans l'univers de Wayne Kramer dont le nouveau long-métrage, financé dans l'indépendance, s'est déjà pris une volée de bois vert en retour, aussi bien de la part du public (3 millions de dollars au box office US pour son week-end de sortie, remboursant tout juste les 2,5 investis dans le spot TV du Super Bowl), des critiques (sur Rotten Tomatoes, le film n'atteint même pas la moyenne, loin de là), que des censeurs (interdit aux moins de 16, 17 ou 18 ans dans les différents pays où il sort). Autant dire que La Peur au ventre ne s'adresse clairement pas à tout le monde, la plupart de ses détracteurs n'y voyant qu'un « simple » After hours sous amphétamines, rencontrant l'univers ultra violent de Tarantino dans une succession d'images et transitions aussi gratuites qu'appuyées par les choix de photographies et de montage.

Une dénonciation un peu hâtive pour ceux-là mêmes qui encensent depuis plusieurs années déjà des fictions télévisées « couillues » telles que 24 heures chrono ou The Shield, deux séries TV qui pourraient tout aussi bien être citées en référence pour Running scared (titre original du film pouvant être traduit littéralement par « courir de peur »), au même titre que les cinéastes précités et que Kramer remercie d'ailleurs humblement au générique de fin, preuve que les références sont pleinement assumées, tout comme l'ensemble des partis pris, aussi bien visuels que thématiques.

Le prétexte de départ (un flingue à récupérer coûte que coûte comme pièce à conviction de la tuerie initiale) et la succession de rencontres qui s'ensuivent ne sont en effet ni plus gratuites ni plus justifiables que les références précitées, dans la mesure où Kramer choisit de les situer dans un univers de corruption, de débauche et de tous les travers sociaux inhérents du quotidien : flics véreux, drogue, passage à tabac, prostitution, et même le sacro-saint sujet, politiquement incorrect au possible, de la pédophilie, dont fera les frais Cameron Bright (le mioche de Godsend et Birth) à l'expressivité toujours aussi livide, et qui rajoute désormais une nouvelle corde à son arc : celui d'un « Joe La Poisse » encore pire que la Kim Bauer (Elisha Cuthbert) de 24 heures chrono.

Assumant pleinement ses choix et ses références de la première à la dernière minute (à l'exception peut-être d'un épilogue qui sent mauvais la fin alternative rajoutée après coup), Wayne Kramer nous entraîne donc dans une course contre la montre non stop de deux heures, qui n'épargne rien et surtout personne, mais pourra également donner des aigreurs d'estomac à certains.

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