Critique : Spider

Johan Beyney | 22 novembre 2005
Johan Beyney | 22 novembre 2005

Après des années d'internement psychiatrique, Spider revient sur les lieux de son enfance. Placé dans une sorte de pension de famille qui se veut un espace de transition entre l'asile et la société, il va lui-même naviguer dans un purgatoire plus personnel : celui qui sépare la folie de la raison.


Spider marmonne. Spider est parano. Spider porte tous ses vêtements sur lui, empilés les uns sur les autres. Spider tient toujours une cigarette entre ses doigts nicotinés. Spider griffonne des choses incompréhensibles dans un carnet. C'est une panoplie complète de fou que Cronenberg a offert à Ralph Fiennes qui, bien que convaincant, ne peut du coup pas faire dans l'originalité. L'utilisation de la toile d'araignée (Spider tend des fils trouvés dans la rue à travers sa chambre) comme métaphore de l'âme ou de la folie du personnage n'est à ce titre pas une initiative très originale. Certains voient se construire des murs autours d'eux (The Wall), tandis que d'autres se reconstruisent en même temps que leur maquette (Elephant Man) ou que leur puzzle avancent. C'est d'autant plus dommage que Cronenberg, en traitant de la folie de manière détournée dans beaucoup de ses films, l'a toujours fait avec subtilité.


C'est sans doute ce qui manque ici. En revivant ses souvenirs d'enfant par flashes, Spider va revenir physiquement – très bonne idée de mise en scène – aux sources de sa folie (la trahison du père, la mort de la mère…) et la comprendre. Difficile d'en dire plus sans dévoiler l'élément clé sur lequel repose l'intrigue. On peut cependant dire qu'une fois le film terminé, on reste circonspect : de quoi s'agit-il au juste ? Si l'on parle de la folie, elle n'est qu'effleurée, presque caricaturée. Quant à l'explication qui en est donnée, elle repose sur un mécanisme « freudo-oedipien » présenté de manière certes habile, mais trop éventée pour créer la surprise.


La valeur de Spider réside donc davantage dans sa forme que dans le fond de son sujet. Dans ce coin ouvrier de l'Angleterre, Cronenberg compose des images d'une grande beauté graphique. Jouant sur la matière (les briques, le métal des usines, les peintures écaillées, mais également la peau tannée de son personnage) et la lumière, il arrête sa caméra sur des cadres très esthétiques. C'est peut-être précisément dans ces choix esthétiques que réside le problème de Spider. L'atmosphère froide et distante qui se dégage des images, ainsi que le rythme très lent du film, éloignent encore le spectateur de l'intrigue. En filmant la folie de manière si esthétique, Cronenberg nous empêche de la pénétrer et livre au final une œuvre assez hermétique. Bref, même si le papier cadeau est joli, le paquet s'avère un peu trop long à ouvrir pour un contenu qui n'est pas à la hauteur de nos espérances.

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