Critique : Octopussy

Patrick Antona | 20 novembre 2006
Patrick Antona | 20 novembre 2006

« Lorsque Sean Connery menaçait un homme, on tremblait pour l'autre gars. Moi, on a toujours l'impression que je l'invite à boire un verre. »

Reconnaissons à Roger Moore la valeur de la franchise et de la clairvoyance quant à la portée de son interprétation du plus célèbre agent secret de Sa Majesté, mais qui en montre aussi grandement les limites. S'éloignant ainsi du modèle menaçant créé par le grand Sean dans les années 60, Roger Moore va ainsi faire de 007 un VRP de luxe, toujours prompt à corriger les ennemis de la Couronne mais de manière débonnaire sans oublier de ponctuer le tout avec un bon mot.


Si Octopussy était annoncé en 1983 comme un James Bond révolutionnaire, du fait que de la prééminence donnée à une femme pour la première fois, le film se révèle être à l'arrivée au diapason du précédent opus de l'agent 007, Rien que pour vos yeux. Fini les délires science-fictionnels de Moonraker et L'Espion qui m'aimait et ses méchants aux délires mégalomaniaques, les adversaires de James Bond sont des salauds classiques, sans background psychologique vraiment tordus, et les péripéties qui s'enchaînent ne sont souvent prétextes qu'à admirer les beautés géographiques locales, et les autres… De même pour les gadgets. À part le jet miniature de la superbe séquence pré-générique (et seule scène d'action mémorable du film), ils sont réduits ici à la portion congrue, censée laisser le champ à une interprétation plus physique de la part de Roger Moore, ou plutôt de ses multiples doublures on ne peut plus visibles.


L'Inde est ici le cadre d'une partie des aventures de James Bond, mais à part une séquence de poursuite et une chasse au tigre où James Bond est la proie, John Glen n'a pas réussi à capter tout le potentiel qui aurait pu faire de Octopussy un film plus exotique et plus épique, ce que réussira à faire par contre Steven Spielberg l'année suivante avec son Indiana Jones et le temple maudit. Non content de décalquer avec quelque nuances la même histoire que Goldfinger, avec le méchant Kamal Khan qui triche au jeu, son sbire Gobinda qui broie les dés au lieu de balles de golf, la scie volante rappelant le chapeau de Oddjob et le climax avec déminage d'une bombe atomique, Octopussy échoue à nous faire passer le frisson en ce qui aurait dû être le point d'orgue du film, la séduction et le retournement de l'héroïne-titre, présentée comme une adversaire de taille (et à la vengeance motivée). Mais c'est avec aisance que James Bond réussira à la faire revenir à de plus nobles sentiments dans une séquence digne d'un roman de Barbara Cartland, ruinant du même coup ce qui aurait pu donner du mordant à une histoire des plus classiques.


Beauté sophistiquée et altière, Maud Adams ne dispose pas du sex-appeal suffisant pour demeurer une des James Bond Girls de référence, seule l'autre suédoise, Kristina Wayborn, tire son épingle du jeu en jouant du sari et de ses jolies jambes avec classe. Même les méchants font tapisserie, on ne retiendra ici que le survolté Steven Berkoff anticipant de deux ans son rôle de salaud soviétique de Rambo II et les jumeaux lanceurs de couteaux, dont la rumeur dit longtemps que les frères Bogdanov avaient été contactés pour le double-rôle.


Porté par une campagne promotionnelle des plus agressives (« Le meilleur des Bond » crânement inscrit sur l'affiche) et par le capital sympathie qui auréolait Roger Moore auprès d'un public essentiellement familial, Octopussy fût le gagnant, financièrement parlant, de la compétition qui l'opposait au grand retour de Sean Connery, dans Jamais plus jamais d'Irvin Kershner, film qui tout en écornant intelligemment le mythe d'origine, n'en demeurait pas moins supérieur sur de nombreux plans.

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