L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford : Critique

La Rédaction | 27 septembre 2007
La Rédaction | 27 septembre 2007

Deux critiques pour le prix d'une.

Par Jean-Noël Nicolau 

Avec L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Andrew Dominik apporte au western ce que David Fincher a offert au polar avec Zodiac : un chef-d'œuvre détournant les codes et prenant le risque de frustrer son public. Autopsie d'un meurtre dans ses aspects les plus triviaux et anodins, long crépuscule de 2h30, cet Assassinat cherche à épurer le genre jusqu'à l'abstraction. Il n'est plus ici question d'imprimer la réalité ou la légende, mais bien de baigner l'une dans l'autre, et de donner aux faits documentés des nuances oniriques. Méticuleux dans son déroulement, insistant sur les personnages secondaires pour mieux tenter d'appréhender les motivations de Robert Ford, le scénario lésine sur le spectaculaire pour mieux faire résonner chaque coup de feu, quitte à laisser le dernier d'entre eux figé dans le silence.

 

 

 Ambitieux, Andrew Dominick cite autant Terrence Malick et Clint Eastwood et joue sur la contemplation et la tension en un numéro d'équilibriste. Le trouble du film est symbolisé par le personnage de Jesse James et l'interprétation de Brad Pitt. Imprévisible, passant de la violence à une douceur mélancolique en l'espace d'une seconde, l'acteur est à la fois fragile et inquiétant. A ses côtés, Casey Affleck est un bon choix, son allure juvénile et tourmentée convient idéalement à un Robert Ford qui aimerait enfiler un costume bien trop large pour ses épaules. Avec l'amplitude temporelle et formelle de l'œuvre, le réalisateur crée une tension progressive mais réelle, donnant l'impression que les pistolets peuvent être sortis à n'importe quel moment, soulignant ainsi la paranoïa galopante de ces bandits épuisés. La rédemption est impossible, les personnages ne connaissant que la mort violente, puis le jugement de l'histoire populaire.

 

 

Un sentiment figuré par le flou qui nimbe certains plans. Jesse James apparaissant tel un spectre qui entraîne toute l'œuvre vers l'anéantissement. Chaque acte est scandé par la disparition d'un membre du gang jusqu'à l'assassinat de James. A partir de cet instant, qui devrait être une libération, le film fusionne avec Robert Ford, l'accompagnant lors de sa noyade dans la mythologie qu'il a tant désiré. Du simulacre théâtral à la chanson populaire (avec une apparition du chanteur culte Nick Cave), ce n'est plus seulement le western qui est mis à nu, mais bien l'Histoire en général, qui vient se heurter à la complexité des êtres avant de les écraser. A la fois fantasme de cinéma et quête aux accents métaphysiques, L'Assassinat de Jesse James est une expérience exigeante, qui charme par la beauté de son visuel et de son casting, tout en décevant les attentes pour mieux imprégner le spectateur de son aura funèbre et de sa vision désenchantée des ambitions humaines.

 

 


par Renaud Moran

  

Ce n'est pas la première fois que nous évoquons dans nos colonnes le délicat problème des films à la dramaturgie nonchalante et le dégoût que peut provoquer un certain cinéma formaté pour ce que ses auteurs et les sélectionneurs croient être le cinéma difficile et exigeant de qualité pour festivals. Un scénario peu ou prou construit sur la trame classique du drama (Héros -  Objectif(s) - Obstacle(s)). Des plans et des séquences qui s'éternisent. Des acteurs qui disent leur texte de manière affectée et grave. Des dialogues exprimant des idées et des informations pourtant simples et basiques respectivement, mais qui s'étirent de manière insupportable. Une atmosphère déprimante, pesante et grave. Bref, une lenteur et une affectation généralisées de l'objet dans son ensemble.

 

 

N'ayons pas peur des mots : L'Assassinat de Jesse James... donne envie de se pendre et la soumission à cette insoutenable supplice que représente sa vision ne serait même pas digne d'être recommandée à son pire ennemi. Non pas parce que ses images nous heurtent ou nous choquent ou encore que son atmosphère oppressante nous assaille et nous étouffe. Non, c'est plus simple que ça : c'est juste que c'est chiant comme la mort, chiant comme le plus chiant des films chiants de toute l'histoire du cinéma chiant. Un véritable calvaire pour le spectateur. C'est un peu comme si Andrew Dominik, réalisateur du pourtant clinquant et clippeux Chopper s'était ensuite pris pour un très mauvais disciple d'Antonioni ou des Straub Huillet qui s'essaierait au western, qui plus est avec une tentative de le psychologiser. Mais il y a un peu aussi une tentative improbable et donc ratée de concilier la noirceur de The Yards de James Gray et le panthéisme des Moissons du ciel de Terrence Malick.

 

 

Il ne s'y passe quasiment rien à part neurasthénie et atermoiements, Brad Pitt en Jesse James maniaco-dépressif, Casey Affleck en Bob Ford ado version stalker puceau obsédé de Jesse. On assiste à une succession de scénettes montrant des gangsters éparpillés par groupe, plus ou moins nombreux, assis dans des maisons isolés, qui discutent ou se disputent, racontent des blagues ou s'envoient des vannes, parfois avec une femme qui fait la cuisine et des enfants qui courent. Comme si ce qui intéressait le réalisateur/scénariste avant tout étaient les seuls moments en creux (ce qui, si réussi, aurait pu donné un résultat intéressant). Le tout commenté par une voix off explicative qui semble avoir été ajoutée pour combler le vide du scénario et les trous béants de sa narration. Il faut un peu plus de deux heures quinze les plus pénibles du monde au réalisateur pour raconter sous valium ou autre downer ce que le chef d'œuvre de Fritz Lang, Le Retour de Frank James et celui de Samuel Fuller, I Shot Jesse James, racontait eux en à peu près 15 éblouissantes minutes chacun. Les dernières vingt minutes représentant une sensible amélioration quant au reste du film, mais auquel on préférera là encore l'heure et quart suivante du Lang et du Fuller, même si les détails de l'histoire diffèrent entre les trois films.

Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de cette grande légende de l'ouest que représente Jesse James, ses frères et autre Robert Ford, en plus du Lang on recommandera d'aller voir aussi Jesse James de Henri King, Le Gang des frères James de Walter Hill.

 

Résumé

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Lecteurs

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commentaires
Ella
20/10/2014 à 19:53

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