Pirates des Caraïbes : La malédiction du Black Pearl - critique

Zorg | 7 juillet 2006 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Zorg | 7 juillet 2006 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Quand l'annonce a été faite en décembre 2001 que Jerry Bruckheimer allait produire pour le compte de Disney un film basé sur l'attraction Pirates des Caraïbes présente dans les parcs de la firme aux grandes oreilles, le fan club d'Errol Flynn commença d'organiser des suicides en masse. Cependant, tout n'est pas noir au pays du Jolly Roger version Bruckheimer.

Disney oblige, malgré la présence de pirates tantôt crasseux tantôt squelettiques, tout reste excessivement propre. Pas la moindre goutte de sang à l'horizon, pas le moindre matelot décapité. Le méchant n'est pas vraiment si méchant, et l'humour omniprésent désamorce la moindre tentative de faire croire que quelque chose de grave pourrait arriver aux héros. C'est du divertissement, c'est familial, il n'y a pas tromperie sur la marchandise, il faut le reconnaître. Les comédiens, emmenés par un Johnny Depp sous acide qui vole la moindre scène, le moindre angle de caméra, sont tous parfaitement à l'aise dans leurs escarpins, on retrouve tous les archétypes du genre, mais le trio de personnages donne furieusement l'impression d'avoir été extrait aux forceps de la série de jeux vidéos Monkey Island. Le Capitaine Barbossa ressemble étrangement au Pirate Le Chuck, Will Turner à Guybrush Threepwood et Elizabeth Swann à Elaine Marley (en moins peste tout de même).

 

photo, Johnny Depp

 

Cependant, même si l'on rit de bon coeur aux innombrables vannes que se balancent les comédiens avec une bonne humeur évidente, il manque un souffle épique au film pour vraiment tout balayer sur son passage. À vouloir trop en faire, les auteurs ont accouché d'une histoire un brin capillotractée, et le rythme s'en ressent d'autant plus sévèrement que l'aventure dure deux heures et vingt minutes. Cette dernière s'avère être un divertissement honnête, bénéficiant d'une réalisation sans faille, techniquement irréprochable, égrenant avec une relative aisance les passages obligés du film de pirates (chasse au trésor, ingestion de rhum en quantités industrielles, combats au sabre d'abordage, concours d'insultes, le perroquet sur l'épaule du vieux pirate, etc.), avec tout ce qu'il faut de répliques drôles, d'aventures débridées et de batailles navales pour satisfaire un large public.

 

photo, Geoffrey Rush

 

Malgré tout, si Pirates des Caraïbes, la Malédiction du Black Pearl marque une certaine résurrection du genre, on ne peut s'empêcher de regretter un manque d'enjeu flagrant d'une part, et de maturité d'autre part. Car contrairement au mésestimé L'Ile aux Pirates de Renny Harlin, qui s'est ramassé un copieux gadin lors de sa sortie, le traitement axé grand public nous prive d'un affrontement vraiment à la hauteur de la réputation de ces pirates sanguinaires qui écumaient les Sept Mers et terrorisaient tout ce qui flottait à cette époque. On attend dès lors celui ou celle qui aura le courage et les moyens de vraiment dépasser la piraterie de carnaval pour voguer vers des rivages plus hard-boiled où le mot pirate déploie ses vraies saveurs : celle du sang et de la poudre à canon.

 

Affiche

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commentaires
Flo
07/06/2023 à 20:43

Pourquoi ça a si bien marché, malgré des partis pris narratifs qui…
Tranchons dans le vif : dès le début, en 2003, on a un film d’aventures honnête, rocambolesque, osant être sale et méchant (pour du Disney !), avec du Zimmerisme très efficace à la musique.
Et très reconnaissable… Car il utilise des archétypes qu’on a vu surgir régulièrement. Le jeune naïf qui a un destin, la fille à sauver mais qui a aussi son caractère, le grand frère roublard, vaurien mais qui saura se montrer un peu plus digne vers la fin… ben, c’est Star Wars (et un peu Tolkien ou Kurosawa), avec aussi les acolytes un peu crétins, qui commentent le déroulé de l’histoire en ayant assez de recul…
Tout y est. Sauf que l’emphase n’est pas mise sur tout ces trucs nobles de chevaliers, mais sur les hors-la-loi, les malins, ceux qui remportent la partie par la ruse ou la trahison.
Autant Han Solo est un personnage qui n’a tenu que deux films, jusqu’à vite s’adoucir par l’amour, le sacrifice, et même être brièvement remplacé par Lando…
Autant Jack Sparrow, lui, va rester fidèle jusqu’au bout à son égoïsme opportuniste et dadais. Donnant la note d’intention de absolument Tous les protagonistes, se trahissant sans fin pour mieux atteindre leurs objectifs personnels – qui peuvent aussi varier selon les circonstances. Lançant cette tendance un peu « soap opera » dans les blockbusters, surtout tv – « Game of Thrones » lui dit merci.
Et le réalisateur Gore Verbinski est aussi un sacré artisan, qui n’a pas peur d’y aller à fond.

Le premier film avait pour lui un bon équilibre, entre tournage en dur et effets numériques… mais déjà le scénario était fourre-tout, partait sur des chemins chaotiques.
C’est bien sympa de ne pas considérer l’infiltration de l’Étoile de la Mort (et le sacrifice de Obi-Wan) comme un climax final, pour mieux y revenir plus tard… puisque ça se fait autrement, par une attaque de vaisseau spatiaux. Mais quand ici, on a les pirates qui arrivent à mi-film à l’or de Cortez, puis repartent dans plusieurs directions, dont certaines gaguesques (le passage sur l’île) et y reviennent une heure plus tard (avec une petite attaque de squelettes en plus)… là c’est du zigzag.
On se rattache alors à l’action, les thèmes musicaux, les acteurs – Geoffrey Rush impérial.
Et le show Johnny Depp, en « tata » excentrique, dont on se demande s’il est fou ou juste rusé. Même si ça ne semble pas très clair, évidemment qu’il est les deux.

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