Southland Tales : Critique
Quel est le terme exact déjà ? Baudruche ?
Non, plutôt le soufflet qui se dégonfle lentement, reprend un peu de volume, puis s'effondre à nouveau. Ainsi, malgré toute l'indulgence et la bonne volonté du monde, le constat est là, à la fois triste et impitoyable : l'essai de Richard Kelly avec Donnie Darko n'est pas transformé. Cinq ans d'attente, des rumeurs folles, un casting hétéroclite, l'étiquette d'OFNI (Objet filmique non identifié), « un film de science-fiction musical », un buzz indéniable et incontrôlable. Southland Tales est un peu tout ça à la fois, et pas grand-chose au final.
2005, un enfant prend une caméra et filme une fête d'anniversaire avec ballons, drapeaux américains, barbecue, figurines d'Oncle Sam et pistolets à eau. Au loin, une bombe atomique met fin aux réjouissances et plonge l'État de Californie, puis le continent entier dans une nouvelle ère. La nôtre, enfin presque. Et bien entendu, la fin est proche. Élections truquées, résultats dans un mouchoir de poche, téléréalité, Spring Break, Guerre en Irak, tirs amis, terrorisme, Al-Qaeda ces idées, ces réalités, ces clichés forment la toile de fond abstraite, et quelque peu opportuniste, où se joue l'Apocalypse de Richard Kelly. Une fin du monde en toc, sortie tout droit d'un mauvais film de science-fiction ou d'un scénario de Boxer Santaros, l'acteur amnésique interprété par Dwayne « The Rock » Johnson.
La mise en abyme n'est pas des plus subtils, et le réalisateur américain de 31 ans en a pleinement conscience. C'est même une manière d'avoir la complicité et la confiance du spectateur. Cette légère distanciation serait presque un moindre mal vu la narration éclatée que le film met en place dès les premières minutes. Dans une vaine, ou volontairement désamorcée, tentative de film choral, Southland Tales offre beaucoup (trop) de personnages décalés, caricaturaux, irréels dans le but de créer une émulsion, un esprit à la fois pop et contestataire. Mais à l'instar du prétentieux et vide I Heart Hukabees de David O. Russel, le film brasse beaucoup de vent, rend souvent son propos abscons et finit par annuler ses propres enjeux. Par exemple, le rôle de la voix off de Justin Timberlake se révèle pervers. En commentant sans cesse l'action ou en délivrant des informations jusqu'alors inconnues et pourtant capitales, elle évacue toute cinématographie et le récit semble alors hoqueter. Le résultat est la persistance impression d'assister à deux heures d'exposition, où les acteurs font acte de présence, et plus précisément jouent aux meubles pour The Rock et se trimballent à moitié à poil (l'histoire de sa vie) pour Bai Ling.
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(5.0)