Critique : Réussir ou mourir

Stéphane Argentin | 20 février 2006
Stéphane Argentin | 20 février 2006

Après une première incursion sur le sol américain, et plus précisément dans le quartier de Hell's Kitchen de New York dans In America, le réalisateur irlandais Jim Sheridan plonge un peu plus profondément au cœur des quartiers malfamés pour se pencher sur la vie de Marcus, un gangsta-rappeur interprété par 50 Cent, rappeur mondialement connu qui fait ici sa première apparition sur grand écran.

Si ce pitch de départ vous rappelle quelque chose, rien de bien surprenant à cela, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de la même histoire déjà narrée en 2002 dans 8 Mile, les deux films ayant, comme par hasard, été produits par les mêmes personnes. Le premier hic est précisément que Réussir ou mourir arrive en deuxième dans l'ordre chronologique et, s'appuyant une fois encore sur des éléments de la vie privée de son interprète principal (quartier difficile, enfance difficile, se battre pour réussir avant d'accéder à la gloire), n'apporte strictement rien de nouveau vis-à-vis de son prédécesseur.

Le deuxième hic vient de l'interprétation, moins « hargneuse » pourrait-on dire, de la part de 50 Cent, en comparaison de celle d'Emimen (la performance de Adewale Akinnuoye-Agbaje dans un rôle très proche de son personnage d'Adebisi dans Oz est beaucoup plus convaincante). Emimen avait également pour avantage d'être entouré de comédiens à l'unisson de son interprétation : Mekhi Phifer qui a depuis fait ses preuves dans Urgences, Brittany Murphy dans le rôle de la petite amie ou encore Kim Basinger dans le rôle de la mère dépravée. L'entourage de Marcus se compose d'une Joy Bryant là encore un brin plus mijaurée en tant que soutien affectif, tandis que l'élément familial se retrouve dilué au travers de plusieurs personnages, là où il était concentré au sein d'une unique personne dans 8 Mile (formidable composition de Kim Basinger). Un comble pour Jim Sheridan, surtout après le portrait familial réussi et en grand partie autobiographique d'In America.

Le réalisateur est d'ailleurs sans aucun doute celui qui sauve Réussir ou mourir du ratage et l'empêche de rejoindre la longue liste de films alimentaires sur la mode du hip-hop rap. Grâce à de solides techniciens – Declan Quinn à la photographie, déjà à l'œuvre sur In America et Conrad Buff au montage, collaborateur attitré de James Cameron – ainsi qu'au script signé Terence Winter, pivot de la série Les Sopranos (nominé à quatre reprises aux Emmy Awards, les oscars de la télévision américaine, dont une concrétisation) et au cinéaste irlandais, la caricature clipesque façon MTV (pourtant productrice du film) est évitée.

Sans pour autant être un massacre complet, Réussir ou mourir est donc loin d'être une réussite. Pour preuve, le film a été descendu en flammes aux États-Unis (un rating de 18% sur Rotten Tomatoes) tandis qu'à budget équivalent (40 millions de dollars), le film a rapporté pratiquement quatre fois moins au box-office américain (30 millions) que 8 Mile (116 millions). La vie d'Eminem serait donc plus cinégénique et populaire sous la caméra de Curtis Hanson que celle de 50 Cent sous l'œil de Jim Sheridan.

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